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Arts et culture

Catherine Major se livre au sujet de Carte Mère 

Crédit visuel : John Londono

Par Clémence Roy-Darisse – Journaliste 

L’auteure-compositrice interprète Catherine Major a sorti le 15 mai dernier en direct de son chez-soi son tout nouvel album Carte Mère. Nourri de son expérience de la maternité, l’album jumelle l’électro et l’orchestral. La Rotonde a rencontré cette artiste à l’interprétation particulièrement touchante.

La Rotonde (LR) : Le lancement de votre album a eu lieu en virtuel, vous chantiez en direct de chez vous les chansons en version piano-voix, comment s’est passée cette expérience-là ?

Catherine Major (CM) : C’était chouette, c’était sûr que j’aurais préféré le faire en vrai, avec tout le monde, de façon traditionnelle mais puisqu’on ne pouvait pas je trouvais ça dommage de ne rien faire.

On a donc engagé des professionnels, on a essayé de faire ça comme une émission de télévision […] pour ceux qui l’ont vue, ils n’en revenaient pas […] il y avait des moments en direct avec entrevues, des moments montés d’avance qu’on a diffusé pendant le lancement.

Il y avait un moment de danse aussi qu’on a tourné quelques jours auparavant, […] c’était un moment unique.

LR : Cet album-là se différencie des autres à plusieurs niveaux. Vous avez plongé entre autres dans l’électro ; il y a des synthétiseurs, la collaboration d’orchestres. Quel a été le plus grand défi pour vous ?

CM : D’arriver au bout du processus en étant satisfaite ! Quand on est toute seule, des fois, on recommence tout, c’est difficile de laisser aller. Quand on a quelqu’un d’autre qui travaille avec nous […] qui réalise, c’est souvent l’oreille extérieure, le modérateur.

LR : Vous êtes de nature perfectionniste ?

CM : Oui, beaucoup ! Je veux toujours aller plus loin. Puis c’est de se faire confiance, je ne connaissais pas du tout l’aspect plus ordinateur son, j’ai appris au travers de cela. Je suis vraiment une musicienne de formation ; je sais comment l’écrire, comment la composer, mais l’aspect technique était nouveau pour moi. 

LR : L’orchestre est très présent dans votre album, vous avez souvent collaboré avec des orchestres dans le passé ; qu’est-ce que vous aimez de cette collaboration-là ? 

CM : C’est un mélange de textures et d’êtres humains extraordinaires. C’est toute la dimension classique aussi, classique dans le sens du classicisme, ça vient de mon enfance ; moi j’ai été éduquée au classique au départ.

C’est très ample, j’aime beaucoup la texture, puis chanter en direct avec eux, là ce n’était pas le cas pour l’album, mais quand je suis en direct avec eux c’est un frisson à chaque fois […] c’est magique. 

LR : Il y aussi, j’imagine, une chaleur qui s’en dégage, qui contraste avec l’électro ?

CM : C’était ça le concept aussi. Je voulais amener cette chaleur organique-là, qui n’était pas présente dans les instruments plus froids […]. C’était justement le mélange des deux qui allait donner, dans ma tête, quelque chose qui était bien balancé.

LR : Le titre au départ était Sanglot orchestral. Mais vous avez finalement choisi le titre Carte Mèrequ’est-ce que ce titre-là évoque que Sanglot orchestral n’évoque pas ?

CM : C’était plus terre à terre Carte Mère ; Sanglot orchestral c’était plus poétique. L’orchestre est quand même là mais il n’est pas au centre de l’album non plus.

Carte Mère m’est arrivé comme une sorte de révélation ; du motherboard dans le fond de l’ordi, puis le lien avec la mère que je suis, de quatre enfants, dont une toute petite dernière qui a composé cet album-là avec moi dans mon ventre. 

LR : Vous avez été inspirée par elle ?

CM : J’ai fait les trois quarts du disque en la portant, elle est née au-dessus de là où je travaillais […]. Tout ça est lourd de sens. Puis quand elle l’écoute d’ailleurs, […] elle s’arrête tout de suite, c’est comme si elle reconnaissait ce qu’elle avait créé, c’est elle qui l’a créé dans sa tête !

LR : Avec quel angle avez-vous décidé d’aborder la maternité ? Comment décririez-vous cette expérience si complexe ?

CM : Ah mon dieu, bien, ça fait partie de ma vie depuis dix ans, c’est rendu indissociable de moi, dans mon art c’est comme un tout, c’est comme d’enlever une personnalité de quelqu’un c’est impossible.

D’avoir porté les quatre, puis de les éduquer tous les jours, ça fait partie de qui je suis. C’est une expérience qui est forte, enrichissante puis parfois vidante.

LR : Il y a aussi des textes de chansons plus dramatiques, comme votre titre La panique, vous dites que la maternité est une expérience vidante, est-ce que cette chanson-là est reliée à votre expérience de la maternité ?

CM : Non, ça, c’est plus relié à la société en général, à ma personnalité qui a un peu peur du réel. C’est tout l’énervement qu’on ressent par rapport à tout ce qui va trop vite, à la société en fait.

LR : Cette chanson-là fait particulièrement écho au temps présent, ce temps d’arrêt, ça nous fait réfléchir à cet avant-là, non ?

CM : À ce qu’on ne veut pas retrouver nécessairement, ça nous fait réfléchir à ça effectivement… Mais bon c’est inévitable. On n’est pas dans un monde fait pour autre chose, en tout cas ce sera à suivre, on verra. 

LR : Vous êtes reconnue pour votre interprétation aussi. Comment réussissez-vous à mettre autant d’émotions ? Ça vous vient naturellement ? 

CM : Oui tout à fait, c’est de les vivre. Moi je n’ai pas besoin de me transposer, je pense pas que je sois une bonne comédienne de toute façon ; c’est vraiment juste de ressentir la musique, de la vivre, la chanter, c’est quelque chose de puissant.

Quand on chante des mots auxquels on croit, puisqu’en plus on est dans le geste physique de faire vibrer des cordes vocales, c’est dur de ne pas prendre part à 100%. 

LR : Votre conjoint Jeff Moran a écrit la plupart des paroles. Mais vous avez signé les paroles de Tableau Glacé, chanson en honneur de votre amie Lucie qui est décédée d’un cancer. Très touchant. Il y a ce tableau glacé au centre ; qu’est-il  ?

CM : Ah mon dieu ! C’est une grande question ! En fait c’est la mort, c’est figé dans le temps, dans une autre dimension. C’est très poétique ce texte-là […]. En fait, mon amie n’acceptait pas la réalité, n’acceptait pas de partir et je la comprends, c’est un espèce d’hymne au laisser aller, […] c’est une chanson très corde sensible pour moi. 

LR : Je suis certaine que cette chanson-là peut aider plusieurs auditeurs aussi à justement aller vers cette acceptation-là qui est essentielle pour faire la paix…

CM : Il y a des chansons thérapie comme on les appelle ; s’en est une. 

LR : L’album fait aussi plusieurs références à la religion comme dans L’espace occupé, et Moi non plus ; pourquoi parler de cela et comment cela s’inscrit-il dans votre album ?

CM : Bien c’est toutes des observations quotidiennes par rapport à ce qu’on a vécu, aux nouvelles, par rapport à certaines lois, avec le mouvement #moiaussi […]. C’est un peu notre point de vue sur ces choses, de façon artistique.

LR : Pour terminer, quelle est votre chanson préférée de l’album et pourquoi ?

CM : Je me la fais poser souvent celle-là ! Je trouve ça toujours difficile. Non, j’en ai pas !

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