Par: Gabrielle Lemire, Cheffe Arts et culture
Ce matin, la grisaille surplombe les toits avoisinants. À cet écran translucide s’opposent les couleurs d’automne qui se cramponnent aux branches pour ne pas céder leur place à novembre qui est à nos portes. Sudbury, ville minière, ruche artistique, je n’aurai que trois jours top chrono pour te découvrir.
Tout débute avec la découverte des sentiers pédestres qui tissent un réseau sur le campus de l’Université Laurentienne. Ici, tout est entouré de rochers solides. Comme si le paysage était fier de protéger ses habitants qui semblent avoir poussé comme de la mousse dans les crevasses en s’installant dans la région. Avant le programme de reverdissement en cours depuis 40 ans, le paysage dénudé de toute végétation évoquait le relief de la lune. Entre 1978 et 2017, ce sont plus de 3 400 hectares qui ont été recouverts de gazon. Malgré les activités minières qui soutiennent l’économie locale, Sudbury propose un oasis boisé pour les voyageurs du bouclier canadien. Il faut dire que ce sont pas loin de 10 millions d’arbres qui y ont été plantés depuis 1978.
Dialogue interculturel
Cet après-midi, je m’entretiens avec l’Aînée métisse Juliette Tessier du Centre autochtone de partage et d’apprentissage de l’Université Laurentienne afin de mieux comprendre l’intégration de la culture autochtone qui est évidente au campus. « Pour commencer, il faut absolument un espace où les étudiants peuvent se réunir », explique-t-elle. À Laurentienne, un centre d’apprentissage avec une immense salle de forme circulaire est accessible à tous les étudiant.e.s autochtones et non autochtones. « C’est comme un foyer, un chez-soi », témoigne l’Aînée. Pour favoriser le dialogue entre les cultures, le Centre offre des ateliers ouverts à tous sur divers savoir-faire traditionnels autochtones. De la confection de jupes traditionnelles à la création d’un jardin d’herbes médicinales, tout y est enseigné.
Juliette Tessier explique que c’est surtout par les repas organisés au Centre que les étudiant.e.s viennent à échanger. « C’est informel, comme situation. Comme les Canadiens français, les autochtones communiquent ensemble en partageant un repas », ajoute-t-elle. Elle m’explique le rôle des Aînés sur les campus universitaires, qui sont là pour écouter et conseiller les étudiant.e.s, à la manière de grands-parents ou de mentors.
L’art du centre-ville
Plus tard, je prends l’autobus vers un centre-ville tapissé de murales extérieures, où se trouve la Galerie du Nouvel-Ontario (GNO), un vrai quartier général pour la faune francophone locale. Dirigée par Danielle Tremblay, la galerie accueille ce soir un vernissage de Jérôme Havre, un artiste français en résidence à Sudbury depuis un mois. « Je déménage ici ! » lance-t-il avec enthousiasme durant la première soirée de cette Foire d’art alternatif de Sudbury (FAAS) qu’organisait la GNO. La foire de format biennal accueillait cette année une trentaine d’artistes de partout au pays et même de l’international qui voudraient découvrir Sudbury en occupant de leur créativité l’ancienne école Saint-Louis de Gonzague. Le bâtiment ouvrait ses portes poussiéreuses aux artistes désireux d’y crier haut et fort la présence du milieu artistique de la ville.
« Nous, à Sudbury, on se considère le centre artistique de la province », témoigne Danielle Tremblay. « Il y a de l’art partout. Mais je pense que si on le faisait ailleurs ça ne serait pas la même expérience », ajoute-t-elle.
De nombreux projets artistiques d’intérêt gravitent sans aucun doute dans Sudbury, dans ses galeries et ses vastes espaces.
Rencontre impromptue
Mon séjour se termine en déambulant dans le centre d’achats de Sudbury, où je tombe sur une boutique népalaise. Le propriétaire Tenzing Limbu m’explique qu’il a toujours voulu habiter au Canada : « Quand j’étais jeune, j’ai vu un dessin d’un homme autochtone du Canada. Je me suis tout de suite identifié à lui et j’ai voulu venir vivre ici ». Limbu en a rêvé à maintes reprises et il s’épanouit maintenant à Sudbury. « Je suis allé à quelques pow-wows et je me suis senti tellement en paix », se confie-t-il. Sudbury serait d’ailleurs la ville canadienne où le pourcentage de personnes heureuses est le plus élevé au Canada. Limbu est sans doute l’une d’entre elles.
C’est sous un ciel mauve zébré de rose que je reviens en autobus de ma rencontre impromptue avec le Népalais heureux.