Inscrire un terme

Retour
Actualités

Le canal Rideau : De mauvais présages pour la plus longue des patinoires?

19 janvier 2015

– Par Clémence Labasse –

La 45e saison de patinage sur le canal Rideau a officiellement commencé, samedi le 10 janvier. La Commission de la capitale nationale (CCN) a ouvert la patinoire du canal Rideau, pour le plus grand bonheur des adeptes du patin. Ce fut l’occasion pour La Rotonde de revenir sur ce canal, artère historique de la capitale, son passé, son présent, mais aussi son avenir ; avenir qui selon une nouvelle recherche canadienne serait sombre.

Une nouvelle saison de patin qui commence

Les premiers patins des Ottaviens ont enfin pu crisser sur la glace du canal Rideau à 10 h 30, le 10 janvier dernier. David Nshimyumuremyi, étudiant de deuxième année en gestion, était ravi de la réouverture du canal : «  C’est le bon côté des températures qu’on a en ce moment, le canal a ouvert tôt cette année. J’espère pouvoir en profiter au maximum! »

Seuls 3,6 kilomètres étaient accessibles, samedi, mais les tronçons du canal s’ouvrent peu à peu au fil des jours et des températures. La glace de la patinoire n’est cependant pas entièrement sécurisée pour le moment, comme le rappelle la CCN : « Il est prévu d’ouvrir d’autres tronçons de la patinoire dès que la glace sera sécuritaire et que la météo le permettra ». Concrètement, « sécuritaire » signifie que 30 bons centimètres de glace sont prêts à supporter les évolutions des 17 000 patineurs que le site accueille en moyenne chaque jour.

Le canal est contiuellement arrosé afin de pouvoir être ouvert dans son entièreté dans les jours qui viennent. Une application pour téléphones intelligents permet aux impatients de se tenir régulièrement au courant de l’accessibilité de la glace, dont l’état est également tenu à jour sur le site web de la Commission.

« Il est difficile de prévoir combien de temps la patinoire va être ouverte avec précision, parce que c’est une patinoire naturelle. C’est véritablement imprévisible. Nous travaillons avec l’hiver que nous avons », explique Jean Wolff, porte-parole de la CCN. « Mais c’est aussi et surtout pour cet aspect que la patinoire est tant aimée ».

Aimée, cette attraction gratuite l’est depuis le 18 janvier 1971, date à laquelle une équipe armée de pelles entreprit pour la première fois de déneiger le canal entre le pont des Arts et l’avenue Bronson. Au fil des ans, la distance patinable s’allongera de plus de 50 %, entrant en 2005 dans le Livre Guinness des records comme la plus grande patinoire au monde.

Un lieu unique en tout point de vue

Site historique national du Canada, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, le canal Rideau est l’un des lieux les plus symboliquement forts de la Capitale nationale. Reliant Ottawa à la ville de Kingston, ses 202 kilomètres forment le plus vieux système de canal d’Amérique du Nord toujours en activité.

Le creusement de cette voie navigable avait été motivé par les mêmes raisons que le choix de la ville d’Ottawa comme capitale du Canada : s’écarter du fleuve Saint-Laurent derrière lequel s’agitaient les redoutables révolutionnaires américains.

Son inauguration, en 1832, surviendra trop tard pour qu’il présente une utilité militaire, mais le canal Rideau avait un autre avantage : ses flots beaucoup plus calmes que les dangereuses rapides du Saint-Laurent justifiaient amplement pour les navires de commerce le temps passé à franchir ses 47 écluses.

Aujourd’hui, le canal Rideau n’est plus guère utilisé, sauf pendant les beaux jours pour le tourisme fluvial. Mais au moins est-il assuré de conserver cette fonction longtemps, ce qu’on ne pourra peut-être pas dire de son rôle de patinoire hivernale.

Des saisons qui se raccourcissent?

Une recherche parue dans le journal scientifique Nature Climate Change, en décembre dernier, a tiré la sonnette d’alarme à propos des activités hivernales de plein air au Canada.

Selon cette étude, qui se focalise justement sur le canal Rideau, les saisons de patinage sont de plus en plus courtes et cela ne va qu’en s’aggravant, du fait du réchauffement global.

Les deux chercheurs de l’Université McGill, en partenariat avec le Ministère des Forêts de la Faune et des Parcs du Québec, révèlent ainsi que « depuis les années 1970, le canal Rideau a connu un taux de réchauffement climatique important, la moyenne des températures augmentant de 0,51° par décennie entre 1970 et 1990 et de 1,3° par décennie entre 1991 et 2013 ».

Ainsi, ils estiment que depuis son ouverture, le canal a été praticable environ cinq jours de moins, et prévoient une plus forte baisse encore dans les décennies à venir. Ils prédisent que d’ici 2090, les patinoires extérieures pourraient bien être praticables moitié moins longtemps qu’aujourd’hui.

Ces estimations seraient même très optimistes, expliquent les chercheurs, pour qui l’accélération du réchauffement reste difficile à prévoir. Leurs conclusions ne se cantonnent d’ailleurs pas au canal Rideau ; d’autres recherches confirment que tout le Canada a connu une saison de patinage de plus en plus courte au cours des dernières années.

Ce n’est toutefois pas ce que constate la CCN. Statistiques en mains, Jean Wolff souligne que si le début de la saison de patinage sur le canal Rideau peut varier d’une année à l’autre, « il n’existe pas de pattern significatif » qui confirme pour le moment cette analyse.

S’il est vrai que la saison dernière avait commencé le 31 décembre, la patinoire ouvre généralement vers la mi-janvier, et ce depuis au moins une décennie, et dure en moyenne 51 jours. Cependant, les chercheurs de l’Université McGill utilisent une échelle de temps beaucoup plus longue que celle de la CCN pour établir l’impact du réchauffement climatique.

La patinoire Rideau n’échappera évidemment pas aux tendances climatiques qui affectent toute la planète, mais ses jours ne semblent pas comptés dans un avenir proche. Ce qui n’est pas une raison pour ne pas aller en profiter tout de suite.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire