– Par Clémence Labasse –
Après la fusillade qui avait, selon plus d’un média, « enlevé son innocence au Canada » le 22 octobre dernier, on a vu fleurir partout au Canada des paroles et actes de tolérance sincères. Plutôt que de tomber dans la facilité de l’islamophobie comme nos homologues du Sud tendraient à le faire, les Canadiens se sont montrés à la hauteur des valeurs qu’ils prônent. Parce que s’il est une chose qui unit les Canadiens d’un océan à l’autre c’est, à mon sens, la combinaison du respect et de la tolérance.
Habitante immigrée il y a quelques années à Ottawa, j’ai été plus fière que jamais de vivre dans ce pays dans les jours qui ont suivi le drame. Une vidéo a notamment fait un mini-buzz sur Youtube et illustre bien mon propos : « Canadians react to Ottawa Shooting » (Des Canadiens réagissent à la fusillade d’Ottawa).
Dans cette « expérience sociale » (terme galvaudé et surutilisé qui ne veut plus dire grand-chose), Omar Albach a tenté à Hamilton de susciter des réactions, en mettant en scène dans la rue deux acteurs : un agresseur, homme caucasien « raciste », et un agressé, homme barbu vêtu en « habit traditionnel musulman ». Ce à quoi il ne s’attendait, apparemment, pas est l’intolérance pour le racisme et la xénophobie des passants aux alentours. Tous ont défendu l’homme qui se faisait verbalement agressé, allant jusqu’à dire qu’ils le connaissaient et même jusqu’à frapper l’agresseur.
Mais, malheureusement, tout ceci n’est qu’une belle illusion.
Question : le gouvernement du Canada, comme tout bon gouvernement démocratique, est-il représentatif de sa population? Lorsqu’on se penche d’un peu plus près sur les actes du gouvernement Harper depuis le début de l’année, on voit que la façade de la tolérance s’effondre pour laisser place à la réclusion.
Les frontières du Canada se referment, et ce par tous les prétextes possibles.
Ce pays, né de l’immigration, tente de plus en plus d’établir une distinction entre les vrais Canadiens et les étrangers, le reste, « eux ». Barbara Jackson, avocate spécialisée dans ces thématiques, a dit quelque chose qui m’a frappée la semaine dernière alors que je couvrais la conférence « Qui est Canadien ». Selon elle, « il est très possible que le gouvernement ne soit entré en guerre contre l’État islamique, que pour pouvoir révoquer des citoyennetés plus facilement ».
Quoi, vous allez me dire, ça n’a aucun sens. Mais en vérité, grâce à la loi C-24, passée discrètement en juin dernier, le ministre de l’immigration a maintenant le pouvoir, et sans appel en cours possible, de retirer la citoyenneté à un individu qui serait reconnu comme étant « en guerre contre le Canada ». Sur la base de simples allégations.
Récemment, le gouvernement a décrété qu’il n’accorderait plus de visas aux demandeurs venant de certains pays africains touchés par Ebola. Mesure sanitaire? Que nenni. Une excuse? Oui.