Éditorial
Par Mathieu Tovar-Poitras – Rédacteur en chef
On entend souvent dire que c’est à l’université que l’on se crée des amitiés et des souvenirs pour la vie, que ce temps passé sera un bassin de mémoires nostalgiques. Et bien, à l’Université d’Ottawa (l’U d’O), les combats et embûches entourant le labyrinthe administratif de l’institution constituent des souvenirs qui sont – et seront – partagés par plusieurs.
L’U d’O s’affiche publiquement comme étant une institution pour qui l’expérience de son corps étudiant est l’épicentre de plusieurs efforts. Par contre, cette même Université prend ensuite des décisions remettant en question ce même principe. En effet, l’augmentation de salaire des cadres exécutifs est particulièrement intéressante car elle se veut dans l’esprit de hausser la place de l’U d’O dans les sondages tant prisés par celle-ci.
Mais devrait-elle le faire au détriment d’autres projets qui s’avèrent plus profitables à l’ensemble de la communauté universitaire ?
Un de ces enjeux est celui entourant les péripéties auxquelles font face ceux et celles qui ont à prendre leur mal en patience lorsqu’il faut adresser une question administrative. On peut penser aux questions entourant les changements de note, le temps d’attente pour consulter brièvement le personnel de soutien et les confusions qu’occasionne la constance dans les informations transmises.
Pourtant, le personnel de soutien est débordé et les mesures prises par l’administration au cours des dernières années ne semblent pas avoir augmenté les ressources dédiées à cette dimension clé de l’expérience étudiante. Rien que l’an dernier, des coupures représentant une compression de 4% ont forcé les facultés à prendre des décisions sur les dépenses liées à plusieurs volets de leur propre administration.
Pourquoi les cadres ?
C’est une question intéressante. De quelle manière une augmentation du salaire des cadres exécutifs viendrait-elle redorer l’expérience étudiante ? Comment est-ce que cette hausse importante viendra réellement, et concrètement, bénéficier à la réalité du personnel de l’U d’O qui est en contact direct avec le corps étudiant ?
Pour être honnête, ce sont des questions plutôt difficiles à répondre, surtout si l’on prend en considération que l’U d’O a adopté une approche d’austérité datant d’avant la venue du recteur actuel, Jacques Frémont. Comble de l’ironie, c’est cette même optique qui a été utilisée pour renforcir la ligne directrice de la position de l’U d’O face aux diverses négociations qu’elle a dû tenir avec plusieurs syndicats et associations.
Sauf que ce ne sont pas les cadres qui font de l’U d’O ce qu’elle est. En fait, c’est partiellement faux : les cadres dictent les grandes lignes mais ce ne sont pas eux qui doivent ensuite recevoir toutes les demandes de révision de notes. Ce ne sont pas eux qui doivent guider des étudiant.e.s qui viennent les voir complètement confus.es. Ce ne sont certainement pas eux qui se taperont de longues heures à prêter assistance aux élèves et qui devront gérer les périodes les plus achalandées de l’année.
Pourquoi alors prétendre que la hausse de 59 600 $ que se verra accorder le recteur ne pourrait pas être investie ailleurs ?
Si ces cadres méritaient vraiment cette augmentation, cela veut dire qu’ils seraient au moins pleinement conscients de la situation sur le terrain des personnes définissant réellement l’U d’O et que malgré cela, ils justifient raisonnablement cette hausse. Par contre, ce n’est pas le cas et les 155 823 $ que représentent l’addition des cinq hausses se perdront inutilement dans les poches de certains.
Revoir ses priorités
Lors de son discours d’installation en octobre 2016, Frémont avait indiqué que travailler dans une université revêtait d’un honneur particulier, compte tenu qu’il s’accompagne de responsabilités « faisant une différence dans la vie de chacun des […] étudiants » et que cela « implique de leur donner les outils afin de faire une contribution significative à la société ».
Alors M. Frémont, à la base de cet idéal, ne pensez-vous pas que l’Université devrait investir davantage dans les outils entourant le quotidien de l’entièreté de la population étudiante ? Cette approche ne priverait pas l’U d’O de se tailler une place dans l’élite de la recherche universitaire; nous savons que c’est l’un – sinon votre – fer de lance. Améliorer le service aux étudiant.e.s en augmentant les ressources dédiées au personnel administratif et de soutien de l’U d’O ne fera qu’augmenter l’appréciation envers l’institution. L’un n’empêche pas l’autre.
Une augmentation salariale dédiée qu’à cinq cadres supérieurs vient contredire en partie l’argument voulant que ce soit dans le but d’améliorer l’expérience étudiante.