
#BoycottAmazon : vers une consommation étudiante plus responsable ?
Crédit visuel : Sophie Désy — Photographe
Article rédigé par Mireille Bukasa — Cheffe du pupitre Actualités
Lors de son conseil d’administration (CA) de janvier dernier, le Syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa (SÉUO) a pris la décision de boycotter Amazon, estimant que l’entreprise américaine va à l’encontre des valeurs qu’il défend. Le SÉUO reproche à Amazon son impact environnemental, le non-respect des droits des travailleur.se.s et son rôle dans la guerre commerciale entre le Canada et les États-Unis.
Cette décision marque le début d’une réflexion plus vaste sur les fournisseur.se.s et leurs pratiques éthiques, confie Greg Coleman, Commissaire aux opérations du SÉUO. Il précise qu’aucun service ou département du Syndicat n’est maintenant autorisé à effectuer des achats sur Amazon. L’utilisation d’Amazon Web Services (AWS) reste cependant permise : d’après Coleman, il est difficile d’ y échapper, car AWS gère près de 20 % du trafic web en Amérique du Nord.
Le Commissaire aux opérations indique que, lors de cette réunion du CA, l’exclusion d’Amazon a suscité un questionnement sur d’autres entreprises américaines, dont Walmart. Coleman admet que Walmart et d’autres grandes enseignes ne sont pas nécessairement des options plus durables, mais souligne que, contrairement à Amazon, Walmart dispose de plusieurs magasins physiques intégrés dans la communauté.
À la suite de ces échanges, le Syndicat a lancé l’élaboration d’une nouvelle liste de fournisseur.se.s et fabricant.e.s durables, établi.e.s au Canada et engagé.e.s envers l’environnement et les droits des travailleur.se.s. Coleman souligne que cette liste, encore en développement, est enrichie par la contribution des autres services, qui revoient également leurs stratégies d’approvisionnement. Parmi ces services, le Centre de développement durable propose, selon sa coordinatrice Kenzie Whalen, des ressources locales et des initiatives durables, ainsi qu’un guide des fournisseur.se.s responsables. Ces ressources sont disponibles sur le site web de l’organisation.
Impact sur la communauté étudiante
Selon le professeur Keri Kettle, dont les recherches portent sur l’influence de l’identité sur les comportements de consommation, la décision du SÉUO relève avant tout d’une déclaration politique. Il estime que ceci ne suffira pas à dissuader les étudiant.e.s de l’Université d’Ottawa d’acheter sur Amazon. Coleman précise justement que cette décision n’a pas pour objectif d’inciter la communauté étudiante à modifier ses habitudes d’achat, mais qu’elle s’inscrit dans la gestion responsable d’une organisation soucieuse de ses valeurs.
Whalen soutient cette approche et souligne que la consommation responsable est une étape clé vers un avenir plus durable. En l’adoptant, le SÉUO joue un rôle de modèle pour les étudiant.e.s, tout en renforçant la portée et la légitimité de ces initiatives. Par ailleurs, dans un sondage mené sur la page Instagram de La Rotonde, 69 % des répondant.e.s ont affirmé adhérer au #BoycottAmazon.
« La plupart des boycottages n’aboutissent pas parce qu’il est difficile de boycotter une entreprise qui a peu de substituts directs », insiste l’expert. Coleman explique que, même si pour l’instant, le Syndicat n’a pas encore trouvé d’alternative unique à Amazon, il existe de nombreuses options locales, notamment autour du campus et des stations du train léger. Pour le Commissaire aux opérations, l’essentiel est d’adopter une nouvelle façon de consommer : « anticiper nos achats, commander en plus grandes quantités et éviter les décisions de dernière minute nous permet de ne pas recourir systématiquement à Amazon », souligne -t-il.
Perspective économique et environnementale
Selon Coleman, les achats effectués par le SÉUO par le biais d’Amazon étaient évalués à approximativement mille dollars par mois. Le commissaire aux opérations souligne que ce montant n’a pas de grand impact sur le budget global du Syndicat, qui est compté en termes de millions de dollars. « Puisque le géant américain offre généralement des prix compétitifs, le SÉUO devra débourser plus d’argent pour les produits contraceptifs et les produits menstruels que se procure régulièrement le Centre de ressources féministes, par exemple », s’inquiète néanmoins le Commissaire aux opérations.
Whalen explique qu’en tenant compte des frais d’importation, la marque locale Only, implantée à Montréal et à Ottawa, s’est révélée être une alternative non seulement plus durable, mais aussi plus économique qu’Amazon. Elle se réjouit d’avoir pu collaborer avec une personne réelle travaillant à Ottawa, plutôt que de devoir échanger avec un service client automatisé, comme c’était le cas avec Amazon. Une pratique, selon Whalen, qui soutient l’économie locale et réduit les émissions de CO₂.
De son côté, Kettle n’est pas optimiste quant à la longévité du mouvement de boycottage d’Amazon. L’expert explique que les consommateur.ice.s se tournent vers Amazon en raison de sa rapidité et de ses prix bas. Selon lui, trop peu de personnes sont prêtes à renoncer à cette commodité offerte par Jeff Bezos.
Kettle identifie deux facteurs clés déterminant le succès d’un appel au boycottage : l’importance de la cause pour le.la consommateur.ice et le coût associé en termes de temps, d’argent et d’efforts. Selon l’expert en comportements de consommation, c’est ce second aspect qui représente un frein majeur à la pérennisation de ce boycottage, tant pour la communauté étudiante que pour le grand public.
Whalen souligne, malgré tout, que dans un contexte où l’éco-anxiété est très répandue parmi les étudiant.e.s, ce mouvement de boycottage favorise la création d’une communauté plus engagée. Il contribue ainsi selon elle à sensibiliser et à accompagner les organisations et les individus vers une consommation plus responsable.