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Par : Charley Dutil – Journaliste
Ah! La Saint-Patrick, le jour où des centaines d’étudiant.e.s de l’Université d’Ottawa s’habillent en vert, se rassemblent sur l’avenue Russell et boivent jusqu’à ce qu’ils en tombent. Vous vous dites peut-être que ceci sera une autre chronique sur le fait que les étudiant.e.s sont ignorants des origines de la Saint-Patrick ou que celle-ci encourage des stéréotypes culturels négatifs contre les Irlandais ? Mais non ! En tant que Canadien.ne.s, lorsque nous pensons à l’Irlande, nous pensons à un pays ou les petits lutins dansent en écoutant du U2 sur des champs de trèfle. Parlons d’U2, ce groupe rock irlandais. En fait, discutons d’un vers en particulier dans une de leurs chansons populaires, Sunday Bloody Sunday, « Dimanche sanglant » en français. Le vers en question : « How long must we sing this song ?» (« pour combien de temps devons-nous encore chanter cette chanson ?»).
À l’origine, la chanson renvoie au massacre du « dimanche sanglant », qui se déroula à Derry en Irlande du Nord en 1972. Ce jour-là, les soldats britanniques ouvrirent le feu sur une manifestation pacifique s’opposant à l’occupation de l’Irlande du Nord, engendrant la mort de 14 manifestants. Cependant, ce vers semble aujourd’hui être plus significatif que jamais. Plusieurs peuples et communautés de différents pays vivent sous l’occupation et l’oppression de forces étrangères, par un gouvernement qui ne les représente pas. Par exemple, considérons la façon dont notre propre gouvernement traite et représente les communautés des Premières nations.
Lors de la dernière Assemblée générale de la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa, le peuple algonquin fut remercié pour nous avoir laissés se réunir sur leur territoire. Bien que cela puisse mettre à l’aise certains des plus sensibles d’entre nous, cela ne fait aucune différence dans la vie des peuples autochtones en 2018. Ceux-ci font encore face à plusieurs défis de taille causés par des dizaines d’années de négligence de la part de notre gouvernement et du reste des Canadien.ne.s.
En ce moment, Santé Canada estime que pour la seule province de l’Ontario, 9 communautés autochtones sont sous un avis d’alerte en ce qui concerne la qualité de l’eau à laquelle elles ont accès. Selon le média Vice, le nombre serait plutôt de 80 communautés… Santé Canada estime également que certaines communautés n’ont plus d’eau potable depuis plus d’un an. Une situation à laquelle le gouvernement n’a pour le moment pas encore planifié remédier. Comment ceci est-il acceptable dans un pays développé comme le Canada ?
N’oublions pas non plus combien de temps le gouvernement canadien a mis pour ouvrir une enquête nationale sur les disparitions et meurtres non résolus de centaines de femmes autochtones. Tout cela sans compter le nombre d’années que le gouvernement a pris pour s’excuser formellement pour le système d’écoles résidentielles.
De plus, le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances rappelle que, en raison de l’extrême pauvreté et des conditions de vie dans les réserves, les taux d’abus de drogue, d’alcoolisme et de suicide sont faramineux. Ces problèmes sont également l’une des plus grosses inquiétudes des communautés autochtones elles-mêmes. Finalement, selon le Toronto Star, plus de 28 communautés autochtones en Ontario étaient déclarées en état d’urgence en 2016. Les raisons principales : drogues, eau non potable et taux de suicide alarmants. Malgré des efforts entrepris par le gouvernement Trudeau et différents gouvernements provinciaux, il reste beaucoup de travail à faire.
Donc la prochaine fois que vous entendrez quelqu’un ouvrir une assemblée générale en remerciant les peuples autochtones pour leurs terres non cédées, demandez-vous « how long must we sing this song ?».