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Arts et culture

Bis

27 janvier 2014

– Par Brigitte Delisle –

Égarée dans mes pensées, je me sens bien. Debussy me fait frissonner avec son « Clair de lune » et je ne peux m’empêcher de sourire. Un sourire que je ne partage qu’avec moi. Les yeux fermés, je vibre au son de la musique qui m’emporte ailleurs. La chanson est terminée. J’ouvre lentement les yeux, sereine, mais je ne suis pas seule. J’ai été surprise dans ce moment de bonheur, qui ne devait être qu’à moi, par un homme aux yeux clairs. Son regard reste posé sur moi, comme figé, hypnotisé. Je ne peux supporter ce regard une seconde de plus! Je baisse les yeux et regarde le plancher. Je fais rejouer « Clair de lune » en m’assurant d’augmenter le volume afin d’enterrer le bruit ambiant et ce doux regard dérangeant. Mais la mélodie de Debussy n’a plus le même pouvoir libérateur qu’elle avait il y a à peine cinq minutes. Je ne peux oublier ces yeux brillants de saphirs bleus qui me regardaient si tendrement. Je lève les yeux, incertaine, alors que Debussy entame un mouvement plus rapide. L’homme est toujours là et, ayant senti mon regard, il lève les yeux aussi et m’impose un contact visuel. Quoique bref, il fait naître un malaise en moi. Je rebaisse les yeux et me lève de mon siège. J’appuie le premier bouton sur mon chemin et un son aigu retentit. Je me sens marcher au ralenti vers la porte de sortie et je sens ce regard perdre graduellement son sourire à chacun de mes pas. Même en lui faisant dos, je sais qu’il me supplie de rester. Peut-être a-t-il l’intention de me suivre, mais il me laisse partir. Je pousse déjà la porte et je sors de ce lieu stressant. Je commence à marcher et je peux voir du coin de l’œil qu’il me regarde avec des yeux remplis de déception à travers la fenêtre de l’autobus qui poursuit sa route. Les yeux vers le sol, admirant l’asphalte, et les mains dans les poches, je pousse un soupir. Un ritardando marque la fin de la pièce de Debussy.

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