
Quel bilan pour les mesures pro immigration de l’Université d’Ottawa ?
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Par : Nicolas Hubert-Journaliste
En février dernier La Rotonde s’interrogeait sur la portée réelle des mesures et engagements pris par l’Université d’Ottawa (U d’O) pour répondre au décret controversé de Donald Trump, interdisant l’accès aux États-Unis aux ressortissant-e-s de sept pays à majorité musulmane et en situation de forte instabilité. Dans un premier temps invalidé par la justice américaine, ce décret est partiellement entré en vigueur le 26 juin par une décision de la Cour suprême des États-Unis. Post-mortem sur l’efficacité des mesures prises par l’U d’O.
« Trois étudiants débuteront leurs études grâce à cette initiative »
Au début de la session d’hiver 2017, l’administration de l’Université affirmait œuvrer dans une perspective d’entraide et nous faisait savoir que 80 étudiant.e.s et plusieurs professeurs avaient communiqué avec l’U d’O pour bénéficier de ses dispositions répondant au décret anti-immigration américain. Six mois plus tard, la Gestionnaire des Relations avec les médias de l’U d’O, Neomie Duval, fait savoir que seulement trois de ces étudiant.e.s « débuteront leurs études à l’Université grâce à cette initiative » et que « l’Université continue à être sollicitée à ce sujet ».
Les trois étudiant.e.s bénéficiant de cette « initiative » uottavienne devraient arriver dès cet été à Ottawa. Duval souligne à leur sujet que « l’Université a assuré un traitement accéléré de leurs demandes d’admission ainsi qu’un service personnalisé » et qu’ « une fois arrivés, ils auront droit aux mêmes services et soutien que reçoivent tous nos étudiants internationaux ».
Les autres acteurs de la communauté universitaire contactés à ce sujet, dont notamment l’Association des Professeurs de l’U d’O, la Fédération Étudiante de l’U d’O ainsi que l’Association des Étudiant.e.s Gradué.e.s, ont admis qu’ils n’ont pour le moment pas été amenés à collaborer avec l’administration de l’Université à ce sujet.
« On a facilité le processus d’admission »
La directrice du Bureau international, Caroline Renaud, a été personnellement impliquée dans le suivie des dossiers d’admission et l’accompagnement personnalisé des étudiant.e.s concerné.e.s par ces mesures. Elle explique que l’initiative prise par l’U d’O consiste essentiellement à une exonération partielle des droits de scolarité afin que ces étudiant.e.s aient à payer les mêmes frais que les citoyen.ne.s canadien.ne.s et les résident.e.s permanent.e.s durant la totalité de leurs études. Cette exonération équivaut en réalité à celle d’ores et déjà offerte aux étudiant.e.s internationaux qui souhaitent réaliser leurs cursus en français à l’U d’O.
« Cela équivaut à plusieurs centaines de milliers de dollars sur quatre ans, car les droits de scolarité pour les étudiants internationaux sont assez élevés », rappelle Renaud qui précise que « Cela va nous permettre dès septembre d’accueillir ces étudiants, dont deux étaient aux États-Unis et qui pour plusieurs raisons voulaient venir vers le Canada » ainsi qu’ « une candidate qui est en Iran et qui avait été admise dans une grande université américaine, mais qui n’arrivait pas à obtenir son visa ». Cette dernière a été admise au doctorat à l’École de gestion Telfer, tandis que les deux autres étudiants ont été respectivement admis au programme de doctorat en chimie et au programme de baccalauréat en informatique.
Les services et soutiens offerts par l’U d’O ne s’arrêtent cependant pas à la question financière. Renaud explique notamment avoir « été en communication depuis le moment où on a commencé à avoir un échange avec eux ». « On a facilité le processus d’admission, on a demandé à ce que leurs dossiers soient traités de façon prioritaire afin de permettre aux étudiants d’avoir le temps de faire la demande pour recevoir un visa d’étude », ajoute-t-elle en soulignant que l’U d’O n’a pas eu à intervenir afin de faciliter l’obtention des visas d’étude auprès du gouvernement du Canada.
« Cela peut paraître peu, mais c’est quand même très généreux »
Renaud fait savoir que l’U d’O a reçu plus de 350 courriels suite à la diffusion de son communiqué de presse en février dernier. Elle explique que « la très grande majorité des demandes reçues étaient issues d’étudiants qui étaient dans un des sept pays touchés qui désiraient venir étudier au Canada », alors que les mesures annoncées « étaient techniquement et exclusivement destinées aux étudiants déjà aux États-Unis » et qui désiraient quitter le pays en raison du décret anti-immigration de Donald Trump.
Alors que trente dossiers d’admission ont été déposés par des personnes répondant aux critères établis par l’U d’O, l’Université ne souhaitait offrir initialement que deux exonérations partielles dans le cadre de son opposition au décret américain. Renaud explique alors qu’elle a dû effectuer une demande spéciale pour une troisième admission. « Cela peut paraître peu, mais c’est quand même très généreux et beaucoup plus généreux que la grande majorité des universités », affirme-t-elle.
Avec une portée si restreinte, l’efficience des mesures prises par l’U d’O continue d’interroger et tend à renvoyer à l’exercice de communication. À ce sujet, Renaud répond que « très candidement » elle n’a jamais pensé à cela. « Oui on a fait les journaux, on a répondu à plusieurs entrevues, mais est-ce que l’on avait besoin de cela pour se faire connaître ? Non », estime-t-elle en ajoutant que « si cela a fait de la publicité c’est un effet secondaire, mais l’objectif premier était de faire quelque chose, on ne pouvait pas rester impuissant et ne rien faire ».