Illustration Andrey Gosse
Par: Miléna Frachebois, journaliste
Les droits de scolarité en Ontario ont augmenté chaque année depuis maintenant 13 ans. Une annonce du gouvernement ontarien a toutefois mis un frein à cette ascension.
Le gouvernement Ontarien annonçait le 17 janvier dernier une baisse de 10% des frais de scolarité des universités ontariennes. Cette dimunition entre en vigueur dès la rentrée de septembre 2019 et les frais ne subiront aucune augmentation en 2010-2021. Marie-Pierre Héroux, coprésidente du Regroupement Étudiant Franco-Ontarien (RÉFO) avoue : « On est contents que le gouvernement veut baisser les frais de scolarité car cela est un problème courant ». Tous les étudiants canadiens dans une université ontarienne bénéficieront de cette réforme.
Le RAFEO touché
Bien que l’arrêt de cette ascension des frais semble être une bonne nouvelle, l’annonce du gouvernement comprend également une réforme du Régime d’aide financière aux étudiantes et étudiants de l’Ontario (RAFÉO). Composé de bourses et de prêts taillés aux besoins financiers propres à chaque étudiant.e, le RAFÉO distribue des bourses aux étudiants dont le revenu des parents se situe sous un seuil précis. Ce seuil est revu à la baisse par l’administration de Ford, passant de 175 000 à 140 000 dollars pour la rentrée 2019, soit 23% de moins qu’avant. Le nombre de bourses est revu à la baisse et il en va de même pour les prêts. Ces derniers doivent éventuellement être remboursés au gouvernement par l’étudiant.e dès la fin de leurs études. Auparavant, les étudiant.e.s pouvaient s’attendre à une période de grâce de 6 mois après l’obtention du diplôme pour rembourser les frais de scolarité.
Héroux se dit inquiète pour les étudiant.e.s. Elle s’oppose à cette nouvelle formule qu’elle juge ne « pas [être] bien pour les étudiants dans le besoin », qui ne sont pas en mesure de rembourser les prêts directement après leurs études. Elle admet être inquiète des impacts sur la santé mentale de l’étudiant.e qui va devoir accumuler des emplois à temps partiel pour payer ses frais tout en étudiant.
« On enlève plus qu’on ajoute. »
Les universités perdront un dixième de leurs bénéfices ; elles devront donc faire des économies ailleurs. Les étudiants bénéficient certes d’une baisse de leurs frais, mais en paieront le prix en qualité des services et variété de l’offre de formation. Héroux craint que la baisse des frais soit synonyme d’une offre réduite de cours en français. La baisse des frais entraîne également des pertes de ressources pour les programmes moins populaires. Pour Héroux, les francophones seront encore plus touchés : « L’université doit réduire le budget, donc elle va devoir faire des coupures, et c’est toujours plus facile de couper des services et des cours en français ».
Le nouveau statut facultatif des frais qui couvrent les services connexes aux droits de scolarité, comme les frais d’associations étudiantes, pourrait s’avérer problématique pour de nombreux services à la communauté étudiante. À l’Université d’Ottawa (U d’O), ces services financés par cotisation étudiante comprennent toutes les associations qui représentent les étudiants devant l’administration de l’Université, les clubs, les services maintenus par la Fédération étudiante de l’U d’O ainsi que la presse étudiante. Ces services ne pourront pas subsister sans la volonté du corps étudiant à contribuer financièrement.
L’Université d’Ottawa se prépare
La plupart des étudiant.e.s semblent accueillir cette nouvelle d’un mauvais œil, inquiets. L’U d’O tente de rassurer les étudiant.e.s à ce sujet via un communiqué du 17 janvier dernier. David Graham, vice-recteur aux affaires académiques, annonce : « Nous avons toujours eu à cœur d’offrir à notre population étudiante les meilleurs programmes et services qui soient. Je vous assure que nous demeurons déterminés à le faire ». En entrevue avec La Rotonde, celui-ci confirme ses dires, estimant qu’il est encore trop tôt pour déclarer les conséquences des changements sur l’Université et la communauté étudiante. L’Association des professeur.e.s de l’Université d’Ottawa (APUO) ajoute que cette baisse des frais ne représente que 3% des revenus de l’Université et que la perte sera donc minime si on considère que l’Université a en réserve non loin de 430 millions de dollars.
Entre-temps, de nombreux utilisateurs remettent en cause la décision du gouvernement sur les réseaux sociaux. Seul l’avenir nous dira si ces pétitions en ligne, ces photos et publications provocatrices et ces mobilisations pour organiser des manifestations futures pourront mettre fin à l’apathie qui semble contagieuse chez la population étudiante de l’U d’O.