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Par : Shérazade Faÿnel-Journaliste
Moussa Thiam, doctorant au département de génie civil à l’Université d’Ottawa, a développé un béton écologique à partir de déchets en plastique. Cette innovation destinée au domaine de la construction serait une alternative au béton classique, nuisible pour l’environnement. La Rotonde revient avec Thiam sur la portée de cette découverte.
La Rotonde : Pouvez-vous revenir sur votre parcours académique ?
Moussa Thiam : J’ai effectué ma primaire, mon secondaire, mes années lycée ainsi que ma licence en mathématiques au Mali. Puis, il y a eu le coup d’État en 2012. Je me suis donc rendu au Sénégal pour faire un master en sciences mathématiques avec un focus sur le génie civil de l’environnement. Une bourse de recherche de six mois, en partenariat avec l’Université d’Ottawa, était offerte à cinq personnes. J’ai été retenu. Il me fallait alors trouver deux superviseurs, un au Canada et un en Afrique. Le premier est à l’U d’O et le deuxième, qui est davantage un appui technique, est à l’École nationale d’ingénieurs du Mali. Une fois les six mois terminés, le projet que j’avais entrepris paraissait consistant et avait le potentiel de révolutionner le secteur de la construction. J’ai donc décidé de continuer. Cela fait maintenant quatre ans et je compte bientôt graduer.
LR : En quoi aimez-vous étudier à l’Université d’Ottawa ?
MT : Tout d’abord, le bilinguisme ! Je n’étais bilingue qu’à 75% en arrivant et aujourd’hui je me sens très à l’aise. Ce qui me plaît également est de contribuer à tisser un partenariat entre l’Afrique et le Canada. Au niveau de la recherche et de l’innovation, il y a certains matériels disponibles ici et qui ne le sont pas en Afrique, donc cela me permet d’y avoir accès et de faire évoluer mon travail. Au-delà des murs de l’Université, le Canada est un pays accueillant et je m’y plais.
LR : Comment avez-vous développé le béton écologique ?
MT : J’ai eu l’idée au Mali. À Bamako, des jeunes se sont mobilisés contre les dépôts de déchets à-côté des habitations de la part de la collectivité. Cela a donné lieu à de fortes altercations. Je me suis alors demandé : Comment faire pour transformer ces déchets en quelque chose d’utile ? Il existait des choses peu explorées ou alors faites de manière artisanale. Mon idée était de créer une alternative qui puisse être industrialisée. J’ai alors créé un béton écologique, à partir de sable et de déchets en plastique, remplaçant le béton traditionnel qui implique notamment du ciment.
LR : Comment pourrait-il être utilisé dans le domaine de la construction ?
MT : Pour le moment, il peut être utilisé pour construire des routes, faire de la décoration intérieure des maisons et faire des dalles. Nous sommes en train de développer d’autres utilisations. Notre but est d’explorer la mise en œuvre à grande échelle.
LR : Peut-il participer à lutter contre le réchauffement climatique à long terme ? Et ce, malgré le sable, dont l’extraction nuit à l’environnement ?
MT : Les déchets restent dans la nature beaucoup de temps et cela a des conséquences néfastes sur l’écosystème, notamment sur les espèces marines. Mon béton permet de les utiliser. En outre, l’utilisation du béton classique induit du ciment, qui produit des gaz à effet de serre. De ce fait, réduire sa production serait bénéfique pour l’environnement. La prochaine étape pour moi est de remédier au problème du sable. Il en existe deux types : le sable industriel et le sable naturel. Si on améliore la production industrielle, on n’aura pas à extraire et exploiter ce dernier. Donc je vais explorer cette alternative.