Par: Gabrielle Lemire
Le Conseil des Arts du Canada est l’organisme de soutien financier pour les projets artistiques au Canada. Le mardi 23 janvier dernier se tenait son assemblée publique annuelle dans l’édifice Performance Court, suivie du vernissage de l’exposition Identités Façonnées dans son espace événementiel de galerie Ajagemô. La Rotonde y était et vous rapporte les enjeux qui touchent la communauté artistique et son financement.
Le directeur et chef de la direction, Simon Brault, a commencé en soulignant le début du plan de doublement incrémental du budget du Conseil. En augmentant petit à petit, celui-ci devrait atteindre 310 millions de dollars par année en 2021. Brault a également abordé le projet Nouveau Chapitre présenté dans le cadre du 150e anniversaire du Canada qui a offert aux canadien.nes le Wild West Show de Gabriel Dumont en 2017. Ce programme avait distribué 35 millions de dollars à plus de 200 projets, dont l’objectif était d’offrir « un legs qui va continuer d’être apprécié dans les prochaines années », indique le directeur.
Rééquilibrage du financement
Avec ces nouvelles initiatives viennent également des standards à rééquilibrer. « On a dû repenser et modifier absolument tout », partage Brault. Ces changements commencent avec une augmentation de 300% des subventions aux projets des Premières Nations ainsi que le versement de 25 % des nouveaux fonds à de nouveaux bénéficiaires qui n’ont jamais été subventionnés par le Conseil. Ce genre d’initiative pourrait changer la donne pour les étudiants en arts de la scène, en musique et en arts visuels et médiatiques de l’université dans les prochaines années.
Dans les prochaines années, le Conseil des arts du Canada veut « sortir d’une perspective compétitive », conscient que ses décisions affectent l’économie et la formation de groupes sociaux. Le Conseil s’acquitte également à la tâche de créer plus de fonds pour les artistes handicapés afin d’encourager l’accessibilité de l’art pour les aveugles, malentendants et les personnes ayant un handicap physique ou mental.
Préoccupations
Plusieurs discussions ont eu lieu en 2017 sur l’appropriation culturelle des artistes non autochtones qui s’inspirent de la culture des Premières Nations. Brault explique qu’un « l’artiste qui choisit de s’inspirer d’éléments autochtones se donne la peine d’être en véritable discussion avec les communautés concernées pour s’assurer qu’on soit dans une démarche qui soit respectueuse des traditions des droits de la dignité des peuples autochtones ».
Parmi les autres préoccupations relevées durant l’assemblée se trouvait un commentaire d’une représentante du Réseau d’arts médiatiques de l’Ontario par rapport au processus changeant de l’évaluation par les pairs. Le harcèlement sexuel dans les organismes culturels subventionnés par le Conseil mène à des débats sur le refus éventuel de subventionner les organismes en question. Toutefois, le Conseil affirme avec conviction que le « premier réflexe n’est pas de punir, mais de promouvoir un milieu de travail sécuritaire ». Une autre préoccupation soulevée était celle de données qui permettraient au Conseil de subventionner plus d’organismes dirigés par des femmes. Brault a enchaîné en indiquant que de telles données ne sont pas disponibles actuellement, mais que ce serait une excellente suggestion pour « mieux analyser les tendances et les enjeux ».
Identités façonnées
L’assemblée était suivie du vernissage de l’exposition Identités façonnées, organisée par Tangled Art + Disability. Sur des panneaux gris étaient suspendues les figurines façonnées de pièces de bois, de morceaux de poupées et d’objets hétéroclites par l’artiste Persimmon Blackbridge.
Baraq Adé Soleil, le directeur artistique de Tangled Art + Disability indique l’intention de l’organisme de « redéfinir avec audace la manière dont le monde découvre l’art et ses créateurs ». Il aborde également la culture et l’esthétique propre aux personnes ayant un handicap. L’accessibilité est une des valeurs importantes de l’organisme, c’est pourquoi l’exposition disponible jusqu’au 3 juin 2018 intègre une oeuvre tactile que le public peut manipuler et des explications en langage des signes américain.
L’artiste
Selon Blackbridge, « dans la culture occidentale, avoir un handicap n’est pas accepté en tant que partie intégrante de la vie. La manière inattendue dont ces figurines sont construites remet en question la manière dont la société encadre le handicap ». Elle explique qu’une certaine signification sociale est rattachée à nos corps et qu’il est facile d’associer ces réalités et nos corps eux-mêmes. Outre l’exposition Identités façonnées, Persimmon Blackbridge est l’une des artistes clés dans la construction identitaire de la communauté LGBTQ+ canadienne et auteure des romans Sunnybrook: A True Story with Lies (1996) et Prozac Highway (1997).