– Par Alex Jûrgen Thumm –
Au moment que la deuxième Assemblée générale (AG) de la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO) a débuté, le 24 mars dernier, 35 personnes, y compris des non-étudiants, étaient présentes. La Rotonde n’a pas compté plus de 130 personnes dans la salle au sommet de. Le quorum nécessaire pour débattre les six motions? 330. En novembre, le quorum n’avait échappé à l’assemblée que par 11 personnes. L’assemblée a été suspendue à 18 h 57, soit deux heures plus tôt qu’en novembre. Une question demeure : l’AG fut-elle un échec?
L’exécutif critique la participation
Le Mouvement étudiant révolutionnaire (MER), durant la période de questions à la suite d’une heure de mises à jour de l’exécutif, a brisé la glace et s’est attaqué à l’éléphant dans la salle : le quorum n’a pas été atteint. Une représentante du MER a déploré la mauvaise gestion des AG, un projet initié au départ par le MER.
Anne-Marie Roy, présidente de la FÉUO, a alors pris l’occasion pour souligner que la responsabilité n’incombe pas entièrement à l’exécutif. « Ce que je trouve dommage, c’est que la responsabilité revient aux six membres de l’exécutif », a-t-elle confié à La Rotonde. Elle estime que l’objectif de l’AG est « l’engagement collectif », d’où une « responsabilité collective ».
Mme Roy insiste pour que les étudiants s’approprient les AG en mobilisant les étudiants à venir. « L’engagement étudiant, ce n’est pas juste soumettre une motion. Il faut aller chercher des gens. Il manque un ownership des étudiants par rapport aux AG. Cette culture de reconnaître que ce n’est pas juste l’exécutif, je ne l’ai pas encore vue », affirme-t-elle. Mille cent étudiants au moins auraient signé une pétition en appui d’une motion, ce qui constitue une preuve pour Mme Roy que les auteurs des motions auraient pu en faire plus.
Au moins deux membres de l’exécutif croient que le manque de participation est en partie engendré par des motions peu attirantes. « Je pense que le contenu de certaines motions n’intéressait pas autant les étudiants qu’on l’aurait cru », suggère Mme Roy.
Un avis partagé par Nicole Desnoyers. « Je pense que les motions de cette AG, comparativement à celles de la dernière fois, étaient plus techniques, celles du mois de novembre étaient au sujet d’enjeux. Les gens disaient “cet enjeu m’affecte à tous les jours”. Les gens étaient passionnés, pour ou contre. Cette fois, ce ne sont pas des enjeux qui affectent les étudiants à tous les jours. Ça attire surtout les gens qui sont déjà impliqués politiquement. J’ai eu beaucoup d’étudiants qui sont venus me voir dans la dernière semaine disant “je ne comprends vraiment pas les motions, c’est quoi ça, c’est quoi ci”. Ils ne comprenaient pas le langage des motions », explique-t-elle.
Mme Desnoyers propose également une solution : il faut de la sensibilisation auprès des étudiants pour leur apprendre comment préparer une motion et pourquoi. « Souvent les étudiants pensent que c’est seulement par rapport à la constitution, une motion. Votre motion peut toucher presque n’importe quoi, tant que c’est légal », souligne-t-elle.
Cette vision des choses n’est pas partagée par tous. Alors qu’Anne-Marie Roy répondait à la critique du MER en citant la promotion de l’AG, un étudiant a laissé échapper un « Quelle promotion! » bien sarcastique à haute voix. De son côté, Mme Desnoyers a avoué qu’un plus grand effort pour la promotion des motions aurait pu avoir lieu. « On aurait dû travailler plus avec les clubs, on a juste commencé il y a deux jours, avec de grosses bases de membres. On a demandé à nos services d’envoyer un courriel à leurs bénévoles. […] Je vais être très claire : je pense que c’est une faute partagée, mais partagée également entre les étudiants et la Fédération étudiante. Il y a toujours plus qu’on aurait pu faire. On aurait pu être plus créatifs avec les tactiques de pratiques », affirme-t-elle.
De son côté, la présidente de la FÉUO exprimait toujours un doute quant à la possibilité d’en faire plus de la part de la FÉUO pour mobiliser les étudiants. « L’équipe des communications a fait son possible. On a utilisé tous les moyens possibles. Quatre-vingt-cinq pourcent des étudiants ont dit “oui” au référendum, donc c’est une responsabilité collective », rajoute-t-elle.
Hamoud se prononce sur le racisme
Les six membres de l’exécutif, parlant en rotation, ont élaboré sur l’ensemble des activités et des campagnes sur lesquelles chacun a travaillé pendant son mandat. En attendant le quorum, cette période a duré plus d’une heure. La traduction simultanée étant disponible, les membres de l’exécutif ont néanmoins tenu leurs présentations principalement en anglais, à l’exception de Nicole Desnoyers, vice-présidente aux services et communications.
Le moment saillant s’est présenté lorsqu’Ikram Hamoud, vice-présidente aux activités sociales, a pris la parole. La salle, bruyante durant les présentations des autres membres de l’exécutif, s’est enfin tue pendant que Mme Hamoud partageait son témoignage sur le racisme qu’elle a vécu depuis son élection. Elle affirme avoir été encerclée et harcelée sur la rue par des étudiants, traitée de terroriste et ordonnée de retourner à son pays d’origine. Des écrits électroniques lui ont demandé si elle allait bombarder le campus. Depuis, elle affirme avoir peur de se promener seule sur le campus et a même affirmé que certains de ses harceleurs se retrouvaient dans la salle-même de l’AG.
Sa cible principale, où seraient affichées des attaques personnelles, est la page Facebook « la FÉUO ne me représente pas », gérée par une personne anonyme. Indiquant qu’elle « sait » que des étudiants présents dans la salle savent l’identité de celle-ci, Mme Hamoud a interpellé tous les étudiants à aider à faire connaître l’identité de l’administrateur. « Si vous savez qui est derrière cette page, vous êtes autant coupable de racisme qu’eux », a-t-elle énoncé.
La vice-présidente, ayant été le sujet de nombreuses critiques pour son travail, n’a toutefois pas reconnu les appels à sa destitution durant l’AG.
Règles floues pour le dépôt des motions
Un étudiant rencontré à la sortie de l’Assemblée générale ne pouvait cacher sa frustration quant à la politique de la FÉUO par rapport au dépôt des motions. En effet, Brett Byers-Lane s’expliquait mal pourquoi sept motions proposées, dont cinq par lui-même, avaient été rejetées pour la prochaine assemblée générale.
Selon l’étudiant, il aurait rempli chacune des conditions nécessaires à la validité de ses motions. « J’avais le nombre nécessaire de signatures pour chacune de mes motions, mais on m’a dit que certaines signatures étaient invalides, c’est-à-dire des membres de la FÉUO. J’ai demandé si je pouvais ravoir ma pétition pour obtenir les huit signatures qu’il me manquait et on m’a simplement répondu “tu ne peux pas” ».
Toujours selon l’étudiant, il n’est pas de sa responsabilité de s’assurer que chacune de ses signatures soient valides. « J’ai demandé à chacune des personnes qui ont signé si elle était membre de la FÉUO et elles m’ont dit oui. Je n’ai aucun moyen au-delà de ça pour vérifier l’identité des personnes qui signent. […] La constitution ne dit nulle part qu’une pétition avec des signatures invalidées ne peut pas bénéficier d’un accommodement pour arranger la situation ».
Byers-Lane n’était pas tendre quant à la responsabilité de la FÉUO par rapport à l’échec de l’AG. Selon lui, la FÉUO a activement causé la situation dans laquelle s’est retrouvée l’assemblée. « Quand tu invalides sept différentes motions que des étudiants ont pris le temps de présenter, les étudiants deviennent dépourvu de leurs droits ».
Et maintenant? Le consensus de l’exécutif actuel et de l’exécutif entrant est que trois raisons expliquent l’absence de quorum pour les deux AG : l’emplacement, la date et l’heure ainsi que les tactiques.
Mme Roy a rigoureusement défendu sa décision de la tenir à 17 h, en défendant que ce choix permet d’inclure les étudiants ayant un placement coopératif. « Aucune heure n’est la bonne; il y aura toujours des étudiants qui ne peuvent venir », affirme-t-elle.
Les règlements de l’AG ont déplu à plusieurs étudiants revendiquant davantage de temps pour les questions. La présidence et Mme Roy ont maintenu qu’on ne pouvait rien faire pour les modifier sur place. Mme Roy a expliqué à La Rotonde que seuls le Conseil d’administration (CA) de la FÉUO et une AG ayant déjà atteint le quorum peuvent les amender. Le CA aurait adopté les règlements écrits par Mme Roy l’année dernière, et ceux-ci n’ont pas été révisés depuis. Même si les règlements ne permettent pas plus que 20 minutes de questions lorsque que le quorum manque, la période de questions a duré quelque deux heures lors de la première AG.
Quant aux questions qui n’ont pu être posées durant l’assemblée, Mme Roy indique simplement qu’elle répond à ses courriels et que quiconque peut prendre rendez-vous avec elle à tout moment.
Les membres du prochain conseil exécutif de la FÉUO présents lors de l’AG n’ont pas attaqué le travail de l’exécutif actuel.
Hadi Wess, prochain vice-président aux affaires sociales, a plutôt critiqué l’ambiance dans laquelle s’est tenue la deuxième assemblée, bien qu’elle a été beaucoup plus calme que la première. « Le niveau de respect n’était pas bon. Plusieurs gens parlaient et disaient des commentaires inappropriés. Il faut suivre les règles de l’AG », mentionne Wess.
Pas de promesse de la part du prochain exécutif
Alors qu’au moins quatre membres du prochain exécutif de la FÉUO étaient présents lors de l’assemblée générale, c’est-à-dire David Gakwerere (président), Hadi Wess (v.-p. social), Nicole Maylor (v.-p. Équité) et Vanessa Dorimain (v.-p. affaires universitaires), aucun n’a voulu se prononcer sur la tenue d’une assemblée générale sur le campus l’an prochain.
« C’est une question d’accessibiltié. Si on la tient sur le campus, on aura un minimum de 400 personnes, je pense », a déclaré Hadi Wess. Ces propos ont été appuyés par le président entrant de la FÉUO, David Gakwerere. « Il faut que ça soit sur le campus. […] Quand on est sur le campus c’est plus facile d’aller chercher du monde. […] Tenir l’AG ici [Centre Shaw], c’était une solution temporaire ».
Aucun des futurs membres de l’exécutif ne s’est engagé à ce que l’AG soit sur le campus en 2015-2016. Aucun endroit ne semble avoir été choisi alors que la prochaine assemblée générale devra se tenir d’ici huit mois.