
Asiles : lieu où l’on peut se réfugier, se sentir en sécurité, ou perdre la tête
- Le mythe du havre (2/2)
Jack et Francesco sortirent de la maison. Jack griffonna un X sur sa carte pour indiquer que la maison avait été fouillée. Ils enjambèrent des troncs d’arbres, faisant attention à ne pas poser le pied sur un corps enseveli de feuilles mortes et procédèrent à la prochaine maison. Lorsqu’un groupe de deux terminait d’examiner de fond en comble les demeures de leur côté, il attendait l’autre groupe à l’intersection des prochaines rues pour effectuer un bref inventaire.
— Vous avez trouvé quelque chose? demanda Kevin.
— Nos sacs commencent à être lourds, répondit Francesco. Pis vous autres?
— Rien qu’un coffre à outils. Je ne pense pas qu’on en ait vraiment besoin, mais peut-être qu’on pourrait l’échanger au métro.
À la fin du mois d’août, une coupure électrique définitive plongea la ville dans des conditions de vie archaïques. Lampadaires sans lumière. Réfrigérateurs tempérés. Wagons de métro immobiles. À vrai dire, le métro recouvra une nouvelle utilité. Il se recycla en un lieu de commerce, de troc et d’échange. Une véritable économie souterraine dans tous les sens du terme. Et puisque les guêpes ne descendaient pas sous terre, des gens s’y installèrent pour survivre. Utiliser les tunnels praticables – ceux qui ne s’étaient pas effondrés lors des tremblements de terre – devint le moyen de transport par excellence pour se déplacer dans la ville durant le jour. Il n’était pas rare d’y croiser des gens à bicyclette transportant des sacs de matériel destiné aux échanges, éclairés de lampes frontales et fendant la noirceur souterraine comme des navires chargés, illuminés d’un fanal à la proue.
Il n’y avait plus de gouvernement non plus, enfin peut-être, mais on n’en entendait jamais parler. Il n’y avait pas non plus officiellement d’agents pour appliquer la loi. Quelle loi? La loi n’existait plus. Par conséquent, pour protéger la communauté du métro, des hommes et des femmes – militaires, policiers et citoyens – se portèrent volontaires pour se relayer à l’entrée et monter la garde.
En arrivant à la station de métro Côte-des-Neiges, un des gardes éclaira le groupe avec sa lampe à l’huile. Vêtu d’un uniforme noir, d’une veste pare-balle et d’un casque qui cachait son visage, il portait un fusil d’assaut à l’épaule.
— Qu’est-ce que vous venez faire ici? demanda-t-il.
— Je m’appelle Mélanie Auclair, dit Mélanie en prenant le coffre à outils dans ses mains. Les autres sont Jack Lawrence, Francesco Da Silvio et Kevin Yuen. Nous venons régulièrement pour échanger des objets.
— Ce sont des habitués, lança une garde qui les connaissait bien à son coéquipier. Tu peux les laisser passer.
Les gardes cédèrent le passage et le groupe s’engagea dans les escaliers de la station. Faute de ventilation, il s’en dégageait une forte odeur d’humidité et de moisissure. Malgré les bougies éparpillées un peu partout, il fallait se fier davantage à sa mémoire qu’à ses yeux pour se diriger dans les ténèbres du labyrinthe souterrain. Des voix lointaines résonnaient, devenant plus distinctes à mesure que l’on amorçait la descente.
La station abritait une population d’à peu près cent survivants. Parmi ceux qui avaient décidé d’élire domicile dans les profondeurs de Montréal, on retrouvait des parents avec de jeunes enfants, des ainés, et des gens qui préféraient prendre part aux expéditions en groupe et sortir durant la nuit. Le lieu était certes le plus sûr, mais quelle vie d’être constamment dans la noirceur… On y trouvait également des chasseurs et des pêcheurs qui entraient et qui sortaient, apportant du petit gibier, des écureuils, des lièvres, des oiseaux ou du poisson.
Chaque semaine dans la station, on pouvait se procurer des objets différents. Le site des échanges, un bazar de tables, de chaises, et de bougies, était le lieu par défaut pour quiconque cherchant à échanger des objets ou des services. Bien sûr, la nourriture demeurait la ressource la plus convoitée. Les autres biens en demande consistaient de trousses de premiers soins, d’essence, de vêtements chauds et d’armes à feu. Lorsque le groupe atteignit le site des échanges, Jack et Mélanie partirent de leur côté.
— On se rejoint à la sortie dans trente minutes, dit Mélanie. Il faut que j’aille voir Lucy.
Pendant ce temps, Francesco et Kevin s’occupèrent de négocier quelques briquets, des chandelles et des batteries pour le coffre à outils avec trois hommes qui buvaient de la bière dans leurs chaises de camping.
Lucy Bright avait dix ans. Mélanie l’avait gardée de temps en temps lorsqu’elle était plus jeune et que ses parents voulaient sortir en soirée. Elle avait les yeux verts et les cheveux de la même couleur que le blé lorsque venait le temps des moissons. Comme sa mère. À l’instar de beaucoup, Vincent et Victoria, les parents de Lucy, habitaient dans le métro pour échapper aux insectes de la surface. Vincent était un homme au corps élancé, aux cheveux bruns qui tombaient un peu devant ses yeux légèrement clos comme s’il était toujours fatigué. Avant l’infestation, il exerçait la profession de dentiste. Quant à Victoria, elle travaillait comme ingénieure en bâtiment. Elle avait donné ses cheveux blonds à sa fille et les siens commençaient à trahir quelques mèches grises. Elle aussi semblait constamment fatiguée. Les parents de Lucy se joignaient régulièrement aux expéditions en dehors de la station, mais l’un des deux restait toujours avec la petite.
Jack et Mélanie arrivèrent au camp de la famille Bright et déposèrent leurs sacs sur le sol. Installé parmi d’autres campements familiaux, leur site se résumait à une tente de camping, des matelas, des chaises, des boites et des sacs de toutes sortes de choses. Absorbée dans une bande dessinée, Lucy n’avait pas entendu Jack et Mélanie approcher.
— Bonjour, dit Mélanie. Comment vas-tu cette semaine?
— Bof, rien de nouveau, répondit Lucy sans lever la tête. Comme d’habitude. Mes parents refusent de me laisser les accompagner lorsqu’ils sortent. Je suis capable de chercher de la nourriture comme eux! Tu pourrais leur parler?
— Je n’ai pas de pouvoir sur leur décision. Attends encore quelque temps…
— C’est trop long… Il n’y a rien à faire ici… Et ça fait quatre mois que je n’ai même pas vu la lumière du jour!
— Je sais, compatit Mélanie. Pour te changer les idées, regarde un peu ce que j’ai trouvé ce matin, dit-elle en plongeant sa main dans son sac à dos. C’est pour toi.
— Du sirop d’érable! s’exclama Lucy, incapable de retenir un sourire en coin.
« Lucy a raison de se plaindre », pensa Mélanie qui en aurait fait autant dans la même situation. Il lui semblait normal de vouloir sortir. De nuit, bien entendu. Dans la station, le temps paraissait s’écouler plus lentement qu’en surface, et il y avait peu d’enfants de son âge avec qui elle s’entendait.
— Et vous, à l’appartement? demanda Victoria qui venait d’apparaitre de sous la tente. Comment ça se passe?
— Ne vous en faites pas pour nous. C’est davantage pour vous que je m’inquiète, répondit Jack. Vous savez que vous êtes toujours les bienvenus chez nous.
— C’est très généreux de votre part, fit Vincent. Mais tant que la station est protégée comme elle l’est, je crois que nous préférons demeurer ici.
Il y eut un silence. Les têtes se tournèrent vers Lucy qui était rentrée dans la tente pour lire.
— Nous avons quelque chose pour vous, dit Mélanie en fouillant dans son sac.
— Ça tombe bien, nous aussi! répondit Vincent. Prenez le temps de vous asseoir.
Mélanie sortit de son sac un contenant de confiture, et quelques conserves de légumineuses. Vincent les rangea aussitôt dans une des boites et Victoria revint avec un long bâton légèrement courbé. Elle s’approcha et ce qui semblait être un bâton était en fait un sabre.
— Je l’ai trouvé cette semaine dans un appartement abandonné, dit-elle. J’ai pensé qu’il vous serait plus utile qu’à nous.
— Il est magnifique, avoua Mélanie qui l’observa de tous ses angles avant de le ranger en bandoulière sur son dos avec la courroie du fourreau.
— Resterez-vous pour prendre une tasse de thé? demanda Victoria.
— Certainement. Nous ne sommes pas pressés.
Après avoir discuté pendant une vingtaine de minutes autour de quelques chandelles, Jack et Mélanie s’excusèrent afin de retrouver leurs amis à la sortie de la station.
Sur le chemin menant à la sortie, Mélanie aperçut du mouvement dans un corridor sombre du coin de l’œil. Une silhouette en maintenait une autre contre le mur de béton. Mélanie fit signe à Jack de ralentir pour observer la scène.
— Ça fait deux jours que tu m’as rien rapporté à manger, dit l’homme baraqué qui plaquait une femme contre le mur.
— S’il te plait… supplia-t-elle.
— Qu’est-ce que tu ne comprends pas là-dedans? Tu vends ton corps pour quelque chose à manger et en échange, je te garde en sécurité.
— Donne-moi encore une journée…
— Comment est-ce que je suis sensé te protéger si j’ai le ventre vide, hein? Explique-moi ça! Qu’est-ce que vous regardez vous autres? cria-t-il à Jack et Mélanie.
Jack fit signe de la tête à Mélanie de continuer à marcher.
— C’est pas de nos affaires, on devrait pas s’en mêler, souffla Jack en prenant Mélanie par le bras.
Mélanie se dégagea, lui fit une espèce de grimace, et s’adressa à la femme qui tremblait de peur:
— Vous avez besoin d’aide?
— On ne t’a pas sonné, vociféra l’homme visiblement irrité.
— Laissez-la partir.
— Et pourquoi est-ce que je ferais ça? rétorqua le fier-à-bras en s’avançant vers Mélanie le torse bombé.
— On ne veut pas d’ennuis, intervint Jack qui se glissa entre les deux.
— Jack, reste pas là, menaça Mélanie.
Le géant empoigna Jack et le projeta au sol. Aussitôt, Mélanie dégaina son sabre.
— Fous le camp, lui lança-t-elle en le pointant du bout de la lame.
L’homme relâcha Jack et leva les mains dans les airs.
— Hé! On se calme! Je m’en vais, articula-t-il doucement en reculant. Toi, viens avec moi, dit-il à la femme qui sanglotait, recroquevillée dans un coin.
— Elle n’a pas à aller nulle part, dit Mélanie qui fit un pas en avant toujours en brandissant le sabre.
À cet instant, d’autres hommes s’approchèrent de la scène, armés de couteaux.
— Okay, Mélanie, reprit Jack en la prenant par le bras plus solidement cette fois. C’est vraiment le temps de partir.
Elle jeta un dernier regard dégouté à l’homme et s’engagea dans les escaliers au pas de course suivi de Jack. Lorsqu’ils se retournèrent pour regarder en arrière, les hommes avaient disparu. La femme aussi.
— Tu aurais pu te faire tuer! Qu’est-ce qui t’as pris de jouer les héros?
— Tu aurais pu me laisser faire, répondit sèchement Mélanie. Ou bien faire preuve d’un peu de courage et ne pas fermer les yeux quand tu vois quelqu’un qui a besoin d’aide. C’était lâche de ta part.
— Quelqu’un que je ne connaissais même pas! Je n’allais tout de même pas compromettre notre sécurité pour une inconnue! Si c’était toi, ça n’aurait pas été la même chose!
— Ouache… j’aurais pensé qu’il restait un peu plus d’humanisme en toi.
— Là n’est pas la question, Mélanie. Je ferais tout ce que je peux pour toi, pour Francesco ou Kevin, répliqua Jack. Vous êtes pratiquement ma famille. Mais lorsque tu me demandes de m’occuper de ceux que je ne connais pas, au risque de perdre le peu que je possède, je regrette, mais la réponse est non. Maintenant, traite-moi de lâche ou de ce que tu veux. L’important c’est que nous soyons en vie.
— Mais pourquoi est-ce qu’on vit si c’est pour se foutre des autres, hein? Dis-moi donc ça si t’es si intelligent.
Le reste du chemin jusqu’à la sortie du métro s’effectua en silence. Jack se préoccupait peu du fait que Mélanie soit en colère. Tout ce qui lui importait, c’était le groupe. Le groupe avant tout.
— D’où est-ce que ça sort ce truc? lança Francesco en apercevant Mélanie et son sabre.
— Les parents de Lucy pensaient que ce serait une bonne idée d’avoir quelque chose pour se défendre puisqu’on ne vit pas dans le camp de réfugiés du métro.
— Encore heureux qu’on n’y vive pas! L’odeur est insupportable. C’est humide et sombre…
— Frank, si t’avais un enfant, tu penserais peut-être différemment, siffla Mélanie.
— Peut-être. Mais aux dernières nouvelles, je n’en ai pas. Alors pas question de vivre dans un trou. T’es donc bien de mauvaise humeur, Mélanie.
— Laisse tomber, dit Jack.
Ils reprirent la route et ramassèrent en chemin des branches pour alimenter le poêle à bois lorsque les nuits deviendraient plus fraiches. En rentrant au QG, ils déposèrent les sacs de victuailles et le bois dans l’entrepôt. Jack prit son journal de bord et s’exila pour quelques heures sur le toit presque sec. Il restait encore quelques heures avant que le soleil se lève. Il aimait se recueillir ici et se laisser croire qu’on pouvait encore trouver un petit coin de solitude paisible dans le monde d’aujourd’hui.
Il leva les yeux vers le ciel constellé d’étoiles. Jamais il n’aurait cru possible de pouvoir regarder les étoiles en ville la nuit. Les industries et les usines ne rejetaient plus de particules dans l’atmosphère depuis quatre mois. Maintenant, on pouvait voir briller les étoiles.
Jack ouvrit son journal à la page sur laquelle figurait une carte simplifiée du fleuve Saint-Laurent qui reliait Montréal et Kingston sur deux cent quarante kilomètres. Dans le lac Ontario, il avait inscrit les initiales de Main Duck Island au-dessus d’une île minuscule à quarante kilomètres de la rive. De Montréal à Kingston : un trajet qu’il avait parcouru bon nombre de fois avec sa famille lorsqu’il était plus jeune. À vrai dire, Jack avait grandi en en apprenant à lire des cartes nautiques, à faire des nœuds, à pêcher, à ajuster la voilure, à conduire le voilier tantôt sur les genoux de son père, tantôt par lui-même. Comme il s’en voulait de ne pas avoir été parmi eux lors de l’infestation.
À présent, Jack planifiait rejoindre l’ile. Mélanie et Kevin n’avaient pas osé lui dire ce qu’ils pensaient d’un tel périple. En revanche, Francesco ne s’était pas gêné pour lui faire savoir haut et fort que c’était une entreprise irréfléchie, pour ne pas dire complètement absurde, et qu’il risquait de mourir ou de se faire tuer avant même d’avoir atteint Kingston. « Après l’hiver », se répétait Jack. « Je m’y rendrai après l’hiver ». C’était le temps qu’il se donnait pour convaincre le reste du groupe de l’accompagner.
Il avait une raison de croire que l’ile avait pu échapper à l’infestation et que sa famille avait des chances d’y être : aucune activité agricole n’y était pratiquée lorsque l’insecte ravagea tous les champs de la Terre et aucun humain ne s’y trouvait lorsque la guêpe subit la mutation. Cette ile isolée et inhabitée, d’aucun intérêt pour les guêpes, pouvait-elle être le havre mythique qu’il espérait?
— Et que se passerait-il si tu te trompais? répétait Francesco.
— Mais si j’avais raison?
- La face cachée de la lune (1/2)
Quelque part dans l’été.
— Où êtes-vous? demanda Jack en tenant son cellulaire contre son oreille.
— Sur le voilier, répondit son père. Dans le lac Ontario. Nous évitons d’approcher la rive. Ta sœur commence à en avoir ras le bol de manger du poisson matin et soir. Mais avec ce qu’ils racontent à la radio, je préfère garder la nourriture non-périssable pour plus tard. Nous pensions rentrer à la maison, mais il est probable que l’eau nous offre la meilleure sécurité qu’il soit. Nous allons tenter notre chance pour accoster sur Main Duck Island. Tu te souviens où c’est, n’est-ce pas? Au large de Kingston. – il poussa un soupir en appuyant sa main sur son front – Comment vont les choses de ton côté?
— Je suis toujours avec Francesco, Mélanie et Kevin à l’appartement dans Côte-des-Neiges. Il y a un centre de distribution de rations pas trop loin d’ici où ils répartissent des conserves, du riz, ce genre de trucs. On essaie de garder nos sorties au minimum et de rentrer avant le couvre-feu. C’est vraiment le bordel ici…
— Le couvre-feu?
— Après 20 h, les autorités patrouillent des rues pour minimiser le vandalisme, le pillage, tu vois ce que je veux dire.
— Ah…, dit le père avec inquiétude.
— Donc, quel est le plan?
— Restez ensemble. Ne vous quittez pas. On n’a pas le choix d’attendre et de voir comment les choses évoluent.
***
Quelques semaines plus tard.
— Vous avez senti les séismes? demanda le père.
— Oui. Ils sont de plus en plus forts. Des guêpes envahissent la ville, s’écria Jack à tue-tête pour couvrir le son des cris dans la rue. Je ne comprends pas ce qui se passe, on dirait qu’elles ont changé!
— Que veux-tu dire?
— Elles sont géantes! Elles doivent mesurer environ un mètre de long. Tous ceux qui sortent dehors disparaissent…
— Quoi? s’exclama-t-il.
— Les guêpes, papa! Elles se sont mises à prendre les humains comme proies!
— Es-tu certain de ce que tu dis? Es-tu en sécurité?
— Oui! On s’est entassés dans la salle de bain. Il n’y a pas de fenêtres. On a barré la porte de l’appartement et abaissé tous les rideaux.
— Restez ensemble! répéta le père. N’essayez pas de venir nous rejoindre pour le moment. Ne sortez pas tant que vous entendez encore du bruit. Et dès que possible, vous devez clouer des planches aux fenêtres pour empêcher les insectes de…
La ligne coupa. Jack fixa l’écran de son téléphone affichant : « le réseau est temporairement indisponible, veuillez réessayez plus tard ». Quelques secondes après, de violentes secousses sismiques ébranlèrent tout l’appartement. C’était le jour de la mutation, le jour qui allait confiner les humains aux ruines et aux confins des souterrains, au risque d’être déchiqueté en lambeaux comme de vulgaires feuilles de papier.
– Charles-Étienne Ferland