
APTPUO : la convention collective expire, les conditions de travail empirent
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Article rédigé par Mireille Bukasa — Cheffe du pupitre Actualités
La précarité des conditions de travail des membres de l’Association des professeur.e.s à temps partiel de l’Université d’Ottawa (APTPUO) persiste, alors que la convention collective liant ce syndicat à l’Université d’Ottawa (U d’O) arrivera à échéance cet été. Bien que conçu pour favoriser une relation harmonieuse entre les deux parties, ce document n’aura pas pleinement atteint cet objectif.
Manque de convivialité
L’interprétation de la convention collective, le langage employé pour en expliquer les termes, ainsi que les défis liés à l’utilisation de la plateforme Workday ont contribué à compliquer les relations, affirme Luc Angers, vice-président de la mobilisation des membres de l’APTPUO.
Angers, qui affirme attendre avec impatience l’expiration de la convention actuelle afin de l’améliorer, explique que Workday a causé des problèmes financiers aux enseignant.e.s, avec des crédits et débits soudains sur leur compte, entraînant des griefs et des arbitrages. De plus, le logiciel a complexifié le processus de candidature aux cours, obligeant à refaire chaque demande au lieu de soumettre un seul CV pour plusieurs postes.
Un.e professeur.e à temps partiel ayant requis l’anonymat évoque un manque de convivialité en évoquant l’absence d’un espace de travail adéquat. Il.elle confie avoir, à plusieurs reprises, préféré corriger les travaux des étudiant.e.s dans son véhicule plutôt que d’utiliser l’espace mis à disposition par l’Université. « Nous avons un seul bureau pour plus de 10 personnes, alors que certains bâtiments du campus ont des bureaux inoccupés. Pendant que certain.e.s étudiant.e.s disposent d’un espace de travail en raison de leur affiliation à un syndicat ou à un club, des membres du corps professoral sont laissés à eux-mêmes », déplore-t-il.elle.
En réponse aux questions de La Rotonde, Jesse Robichaud, porte-parole de l’Université, renvoie à la présente convention collective, précisément à son article 10.1.3 : « L’Employeur n’est pas tenu de fournir un bureau, mais lorsqu’un bureau n’est pas fourni, les professeurs et les professeures à temps partiel peuvent demander que l’Employeur fournisse un formulaire T2200 ». Robichaud affirme que l’U d’O est engagée à négocier de bonne foi et à arriver à une entente négociée avec l’APTPUO.
Reconnue, mais pas reconnaissante
Angers reproche à l’U d’O de ne pas rémunérer plusieurs tâches effectuées par les professeur.e.s à temps partiel. « Nous assurons jusqu’à 70 % de l’enseignement dans certaines facultés, parfois avec des classes d’environ deux cents étudiant.e.s. Lorsqu’un.e étudiant.e s’absente pour une raison valable, il.elle doit passer un examen différé, ce qui nous oblige à concevoir une nouvelle évaluation spécifiquement pour cette situation. Pourtant, ce travail supplémentaire n’est pas rémunéré, alors qu’il l’est pour les professeur.e.s à temps plein », dénonce-t-il par exemple.
Angers et le.la professeur.e anonyme ajoutent à la liste des tâches non rémunérées par l’employeur la participation à des sessions de formation, la rédaction des lettres de recommandation pour les candidat.e.s au cycle supérieur, l’accompagnement des étudiant.e.s en stage, même dans des régions éloignées, et l’implication dans des comités d’embauche. Les deux membres de l’APTPUO soulignent que ces dispositions doivent impérativement être modifiées dans la prochaine convention collective.
La source anonyme, rappelant que l’U d’O a reçu le prix des meilleurs employeurs de la région, exhorte l’Université à accorder une meilleure reconnaissance à ses employé.e.s, qui répond aux critères ayant valu cette distinction à l’établissement. « Lorsqu’il s’agit de recevoir — que ce soit des distinctions ou les frais de scolarité exorbitants payés par la communauté étudiante — l’U d’O se montre parfaitement prête, à la manière d’un véritable acteur capitaliste néolibéral. Mais quand vient le moment de récompenser ses employé.e.s, qui œuvrent à réaliser sa mission première d’éducation, ou d’honorer les éminent.e.s conférencier.e.s que nous invitons dans nos cours, l’Université devient subitement avare. Une approche bien différente de celle adoptée par l’Université du Québec en Outaouais, qui, bien que de moindre envergure que l’U d’O, fonctionne autrement », s’indigne-t-il.elle.
Dans sa réponse succincte à La Rotonde, Robichaud déclare : « L’Université n’est pas en mesure de commenter les négociations d’une nouvelle convention collective puisque ces conversations doivent avoir lieu entre les parties ».
Des points positifs
Parmi les éléments de la convention collective actuelle ayant reçu un accueil favorable de l’Université, Angers souligne la grille salariale. « Pour la première fois en plus de 30 ans, les professeur.e.s à temps partiel ont bénéficié d’une bonification de salaire prenant en compte l’ancienneté », confie-t-il. Une amélioration qui, selon la source anonyme, reste difficile à percevoir, car en parallèle, la charge de travail des professeur.e.s à temps partiel ne cesse d’augmenter. Certain.e.s doivent même gérer jusqu’à sept ou huit cours par session, une cadence qui dépasse les conditions logistiques optimales pour exercer leur métier, ajoute-t-il.elle.
Concernant l’affichage des postes, la situation reste difficile dans certaines facultés, mais dans l’ensemble, les offres sont désormais publiées à des dates fixes, de manière raisonnable, environ deux à quatre mois avant le début de la session, explique Angers. Ce n’était pas le cas auparavant, poursuit-il, affirmant que certain.e.s membres étaient embauché.e.s après le début des cours, ce qui complexifiait la préparation des cours.
La liste des avancées comprend également des compensations, notamment pour la formation professionnelle, ou encore la compensation des frais Internet liés à l’enseignement à distance. « Ce sont des avantages dont nous ne disposions pas auparavant », souligne Angers. Il mentionne également la présence de membres de l’APTPUO au sein du Sénat de l’université, l’instance chargée d’approuver les programmes pédagogiques.
Nouvelles attentes
En prévision de la prochaine convention collective, l’APTPUO mène depuis quelques semaines des sondages préliminaires auprès de ses membres. L’association espère une bonification des salaires, que ce soit par l’ajustement de la grille salariale ou par une augmentation du salaire de base, afin de refléter l’évolution du coût de la vie au fil des années, souligne Angers.
Le vice-président de l’APTPUO, qui aspire à des relations plus harmonieuses avec l’Université, plaide pour un dialogue renforcé entre les deux parties. Selon lui, l’Association se voit trop souvent contrainte de recourir à des actions légales pour faire respecter les clauses de la convention collective.
Quant au professeur.e qui a gardé l’anonymat, iel espère que l’Université accordera enfin des contrats à temps plein aux professeur.e.s à temps partiel remplissant les conditions requises, mais dont les dossiers restent en suspens.
Par ailleurs, les deux membres de l’APTPUO attendent du nouveau recteur, qui entrera en fonction en juillet 2025, une écoute plus attentive à leurs préoccupations.