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Arts et culture

Appropriation culturelle ou coloniser l’Halloween

29 octobre 2018

Par : Miléna Frachebois, journaliste

L’Halloween est à nos portes, et chacun prépare soigneusement son costume dans les moindres détails. Que ce soit un costume effrayant ou bien une princesse Disney, un détail important doit être pris en compte dans le choix de son costume : appropriation culturelle ou non ?

Cette expression apparaît de plus en plus dans les médias sociaux et traditionnels, surtout à l’Halloween, une occasion de se déguiser. L’appropriation culturelle signifie d’utiliser hors-contexte et de manière stéréotypique des éléments culturels sans comprendre les enjeux derrière la représentation erronée d’une culture opprimée. S’approprier les symboles de ce peuple sans en faire partie perpétue une forme d’oppression.

Question délicate et incomprise

La grande différence entre appropriation et appréciation culturelle réside dans l’intention et le degré d’intérêt pour cette culture. L’appréciation culturelle, bénigne, est un échange culturel qui implique de prendre le temps de connaître la culture et ses traditions dans le but de mieux comprendre celle-ci. L’appropriation culturelle s’effectue plus précisément sans connaître la base de la culture visée et en employant des symboles stéréotypés dans le but de ridiculiser ou de diminuer.

Le blackface

Qu’une personne blanche se peigne en noir pour imiter la couleur de peau d’une personne non-blanche fait écho à une pratique profondément ancrée dans l’histoire. On appelle cela le blackface, qui a débuté au XIXe siècle en tant que forme théâtrale qui consistait à maquiller une personne blanche pour ridiculiser les personnes noires. À travers des siècles de colonisation et d’esclavage, celles-ci ont été dominées et sont toujours victimes d’oppression.

Puisque le blackface est une pratique discriminatoire ayant perpétré une image stéréotypée des personnes noires, il n’est nullement acceptable de l’utiliser pour se déguiser ! Si le blackface est une forme d’oppression inacceptable aujourd’hui, c’est dû à des remises en question des pratiques de la culture dominante, qui sont toujours essentielles.

« We’re a culture, not a costume »

C’est ce qu’on pouvait lire sur les affiches d’une campagne de Students Teaching About Racism in Society de l’Université de l’Ohio. On y voyait des étudiants issus de minorités visibles tenant une photo d’un costume reproduisant un stéréotype culturel leur étant associé. Le message est simple : se déguiser en stéréotypes d’une culture, c’est la vulgariser et en réduire la signification.

Les coiffes des Premières Nations, par exemple, ont une signification bien plus importante qu’un accessoire de mode. Réservées aux chefs et aux personnes en position d’autorité, leur port revêt un sens spirituel. S’approprier ce symbole équivaut à réduire sa signification et renforce les stéréotypes culturels ancrés dans nos moeurs. Ceux-ci contribuent à la xénophobie et au manque de dignité auxquels font toujours face les autochtones au Canada.

Problème de colonisation

L’appropriation culturelle aujourd’hui est une extension de siècles de colonisation et présente un enjeu politique de domination d’une culture sur une autre. Ainsi, de voir une personne privilégiée, dans la majorité des cas, blanche, porter des attributs d’un autre peuple sans en connaître les enjeux peut être insultant.

C’est ce qui expliquerait la polémique autour du costume de la princesse Disney polynésienne Moana. Selon certains, se déguiser en Moana reviendrait à être oppressif puisque cela imite une culture en particulier. Par contre, il faut reconnaître que l’intention du déguisement est de valoriser le personnage d’un film et non de ridiculiser la culture dont elle fait partie. Il faut aussi se souvenir que certains personnages de films portent une signification plus profonde, comme c’est le cas de Pocahontas, qui a réellement existé. La représentation qu’en fait Disney est erronée, et même si c’est sans chercher à ridiculiser, le fait de se déguiser en Pocahontas dans le contexte actuel valide cette représentation.

Au moment de se déguiser pour l’Halloween, si son costume est à saveur culturelle, il faut comprendre la portée que son choix pourrait avoir et s’attendre à être remis en question par la communauté.

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