
Une application pour le bien-être : est-ce que ça peut être utile ?
Crédit visuel; Site web du Service d’appui au succès scolaire
Par Maeve Burbridge – Cheffe de la section Actualités
J’ai utilisé TAO, l’application créé par le Service d’appui au succès scolaire (SASS) qui promeut le bien-être et offre une thérapie en ligne, pendant un mois. Je suis généralement sceptique par rapport aux stratégies de bien-être et de self-care. Mes attentes vis-à-vis l’application n’étaient donc pas élevées mais je dois avouer que mon expérience n’a pas été ce à quoi je m’attendais.
On se dit qu’on a besoin du bien-être et du self-care parce qu’on se sent stressé.e, démotivé.e et surmené.e. Pourquoi ne se pose-t-on pas plus souvent la question à savoir pourquoi, à la base, on se sent constamment épuisé.e ?
Pour répondre à cette question, j’aimerais d’emblée aborder le phénomène social, culturel et économique qu’est le bien-être. Prenons comme exemple la méditation. Cette pratique tient ses origines du bouddhisme et de l’hindouisme.
L’Ouest s’est approprié ces techniques d’une manière qui illustre notre approche, selon moi fautive, vis-à-vis le bien-être. On nous conseille de mettre de côté un court moment à tous les jours pour reconnecter avec soi. Ensuite, quand on a fini notre 10 ou 15 minutes de méditation, on retourne au mode de vie qui fait qu’on se sent toujours aussi éreinté.e. Ajoutez à cela la commercialisation excessive du bien-être qui commence à ressembler davantage à une tactique de marketing.
Je pense que les habitudes liées au bien-être nous permettent de se sentir bien pendant quelques de minutes et c’est ce qui nous permettrait de supporter le sentiment d’épuisement dans le mode de vie qu’on nous propose. Il s’agit, selon moi, d’une solution superficielle, un pansement sur une plaie profonde et douloureuse.
TAO, comme les autres ?
Honnêtement, je m’attendais à ce que TAO s’ajoute à la liste grandissante de bébelles qui visent à donner l’impression qu’on prend soin de notre personne. J’ai été surprise de constater qu’en fait, j’avais tort.
Pour moi, l’aspect le plus utile de l’application est le journal de bord pour l’anxiété. C’est une fonctionnalité de l’application qui consiste à fournir un espace où tu décris ton sentiment d’anxiété, la raison pour laquelle il est survenu et comment l’anxiété a affecté ton comportement.
Je n’utilise pas cette fonctionnalité quand je me sens anxieuse, nécessairement. J’ai pris l’habitude de m’en servir une fois par jour au cours de mon mois avec TAO. Cela m’a fait du bien de prendre un temps pour considérer mes émotions, même si celles-ci étaient parfois négatives.
Avant d’adopter cette habitude, j’avais assumé l’inverse : donner du temps et de l’énergie à mes émotions négatives ne ferait qu’intensifier ces sentiments déplaisants et improductifs. J’ai appris que ça peut être soulageant car ça réduit leur lourdeur et leur intensité.
Je pense que cette fonctionnalité de l’application serait utile pour les gens qui, comme moi, ont tendance à ne pas être très à l’écoute de leurs émotions. Ça permet de s’assurer que sa situation psychologique ne dégénère pas trop car ça permet de veiller à ce qu’on ne se sent pas triste, démotivé.e ou anxieux.se pendant une période prolongée.
Bien des défis…
Le plus grand problème avec TAO, c’est l’application en tant que tel. Il faut être motivé.e pour l’utiliser. Pour accéder à mon compte, ça a pris plusieurs tentatives. Il faut accéder à son courriel, se connecter sur une page web à part et ensuite se connecter dans l’application. J’étais pas mal confuse et ça m’a pris plus de 15 minutes pour compléter mon inscription. Si je n’avais pas à écrire cette chronique, j’aurais probablement abandonné après ma deuxième tentative de connexion.
De plus, l’application crash souvent quand je suis en train de l’utiliser. Finalement, un problème assez embêtant c’est qu’il semble ne pas y avoir de façon de changer la langue de l’application de l’anglais au français. C’est problématique pour les étudiant.e.s qui ne sont pas à l’aise en anglais. Ils et elles ne pourront pas faire usage de la thérapie en ligne qu’offre le SASS, organisme qui se doit de servir la communauté bilingue de l’Université d’Ottawa.
En dépit du côté technique quelque peu difficile de TAO, je ne crois pas que l’application rentre dans la catégorie de bien-être performatif et utile. Toutefois, TAO, comme les autres pratiques de bien-être, ne peut qu’être complémentaire à une façon de penser déjà saine. Ces pratiques ne constituent pas une solution en soi.
Avancer vers un bien-être durable
Comment accéder à un bien-être à long terme ? Selon Viktor Frankl, neurologiste et philosophe autrichien, savoir exactement pourquoi on fait ce qu’on fait tous les jours donne la force de continuer sans se retrouver à être complètement épuisé.e.s et démotivé.e.s à la fin de la journée.
Frankl a survécu aux camps de concentration nazis. Il explique dans son ouvrage Nos raisons de vivre, que ceux qui ont survécu aux camps n’étaient pas les plus fort.e.s physiquement ni les plus futé.e.s. C’étaient ceux et celles qui se sont accroché.e.s, de manière tenace, têtue et contre toute attente, à leur vie. Ceux et celles qui ont survécus avaient une motivation bien précise.
Ayant grandi dans une famille qui pratique le Bouddhisme, j’ai appris que selon cette philosophie, l’individu ressent une souffrance profonde quand ses actions ne s’alignent pas avec ses valeurs et son code éthique. Cela vient rejoindre la proposition de Frankl car les deux prônent qu’il faut identifier ses valeurs et vivre parfaitement en concordance avec celles-ci pour éviter de se sentir vide à la fin de la journée.
On se sent éreinté.e quand on est constamment appelé.e à faire des efforts sans savoir pourquoi on les fait, d’où la popularité de pratiques de bien-être un peu quétaines qui procurent chez l’individu un soulagement éphémère.
Il ne suffirait pas de vouloir obtenir son diplôme, perdre quelques kilos et ne plus avoir de difficultés financières, tout en faisant du yoga et un masque pour la peau ici et là. Je crois que l’individu ne peut réellement être bien, au fond de lui-même, sans savoir exactement, précisément, profondément pourquoi il continue à avancer. On ne prend pas la peine de se poser cette question : pourquoi ?