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Allemagne: Victoire des revendications étudiantes

19 octobre 2014

Par Clémence Labasse

Les frais de scolarité sont maintenant une préoccupation du passé pour les étudiants allemands. Leur pays a rejoint, au début du mois, le Danemark, la Norvège ou encore l’Écosse au panthéon des pays où l’accès à l’éducation universitaire est entièrement gratuit. La Rotonde a tenté de comprendre les raisons pour lesquelles la gratuité scolaire, un concept qui semble si radical en Amérique du Nord, est à portée de la main des pays européens.

L’éducation comme responsabilité étatique

L’abolition des droits survient dans un contexte qui semblera familier aux Canadiens. « Premièrement, l’Allemagne est un état fédéral », rappelle Barbara Kehm, professeure à l’Université de Glasgow et membre de l’association allemande de la recherche en enseignement supérieur sur le site de nouvelles académiques The Conversation. Les 16 Länder (provinces) qui constituent le pays sont responsables de la politique en matière d’éducation. « Deuxièmement, le système d’enseignement supérieur allemand, soit 379 établissements et près de 2,5 millions d’étudiants, est un système public qui est financé publiquement », souligne-t-elle.

Mais si le cadre ressemble beaucoup à celui du Canada, les mentalités, elles, sont bien différentes. Historiquement, les universités allemandes n’ont que rarement fait payer des frais de scolarité à leurs étudiants. En 2006, la Cour constitutionnelle allemande a toutefois jugé que l’imposition de frais n’entrait pas en contradiction avec la promesse de l’état d’offrir une éducation universelle, tant qu’ils ne dépassaient pas 500 € par semestre. « Sept états introduisirent immédiatement des frais », raconte Madame Kehm dans son article,

« […] mais Berlin et les états est-allemands refusèrent d’en introduire ».

La mesure fut très impopulaire, rapporte Deborah Hermanns, organisatrice pour le mouvement britannique National Campaign Against Fees and Cuts, dans The Guardian. Pendant huit années, la société civile allemande s’est battue pour que les frais soient abolis ; « la lutte s’est amplifiée, avec des manifestations étudiantes dans toute l’Allemagne ». Selon elle, les nombreuses manifestations et événements organisés pendant ces années n’ont cessé de gagner en popularité. En Bavière, une pétition pour mettre en œuvre un référendum recueillit même les signatures de 15 % de la population. Quelques jours plus tard, en décembre 2013, l’état abandonnait les frais de scolarité. C’était l’avant-dernier état avec de tels frais et quelques mois plus tard, le gouvernement conservateur de la Basse-Saxe annonçait finalement qu’il se rétractait lui aussi.

Après l’annonce de l’abolition des frais, Gabrielle Heinen-Kjajic, la ministre de la Science et de la Culture de la Basse-Saxe, a déclaré dans un communiqué que la décision avait été prise « car nous ne voulons pas d’une éducation supérieure qui dépende de la richesse des parents ».

Tout ceci n’a été possible que grâce à un consensus profond en Allemagne : l’éducation est une charge qui revient à l’état, et pas aux étudiants.

Les universités canadiennes toujours plus chères

« On ne peut pas comparer les deux systèmes » affirme Daniel Stockermer, professeur d’origine allemande à l’École de sciences politiques de l’Université d’Ottawa.

«[Au Canada], l’organisation est différente : à cause des frais, on conçoit les étudiants comme des clients, des consommateurs », explique-t-il. En contrepartie, le professeur estime que les universités canadiennes sont moins sévères et offrent une gamme de services plus développée. En Allemagne, la grande majorité des cours sont donnés par des assistants, souvent eux-mêmes étudiants.

Il n’en reste pas moins que l’enseignement supérieur au Canada coûte de plus en plus cher. Selon le bilan publié en septembre dernier par Statistiques Canada, « les étudiants canadiens inscrits à temps plein à un programme de premier cycle ont payé en moyenne 3,3 % de plus cet automne en droits de scolarité qu’ils ne l’ont fait un an plus tôt. Une augmentation similaire a été observée en 2013-2014 ».

Ainsi, l’exemple allemand risque bien de rester un rêve de ce côté de l’Atlantique. Son principal enseignement, c’est que les coûts de scolarité dépendent principalement de l’engagement de la population. Au Canada, selon un sondage effectué en novembre 2012 pour l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université et la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, seuls 35 % des répondants estiment que les frais de scolarité postsecondaire doivent être réduits.

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