Accusations de discrimination lors du bouclage : Second Cup s’explique
— Par Clémence Labasse —
« Betrayed by a Fellow Canadian » (Trahi par un compatriote canadien), voilà le titre du texte que Abenezer Abebe a publié sur son blog mercredi dernier, et qui a rapidement enflammé la toile. Dans son article, l’étudiant en commerce raconte avoir été victime de discrimination après s’être fait refuser l’entrée au café Second Cup de la rue Laurier, au fort de la crise de mercredi. La Rotonde a tenté de mettre en lumière ce qui se serait réellement passé.
Les faits selon la victime
L’histoire se déroule près du campus, le mercredi 22 octobre, vers 14 h. L’Université a annoncé qu’elle était en bouclage (ou lockdown) depuis quelque temps et l’on apprend dans les médias qu’il y aurait possiblement plusieurs tireurs encore en liberté au centre-ville. « C’est à ce moment que j’ai décidé de me trouver un bâtiment où me cacher », raconte Abebe dans sa publication.
Arrivé au Second Cup, il se fait refuser l’entrée et réalise que le café est également en bouclage. « Juste après avoir tourné les pieds pour repartir, d’autres personnes qui se trouvaient être caucasiennes, sont venues taper à la porte du café et furent autorisées à rentrer », remarque-t-il. Il a ensuite précisé à La Rotonde qu’il ne s’agissait en fait que d’un seul individu.
Le jeune homme canadien, d’origine éthiopienne, confie avoir été furieux, parce qu’il s’est senti méprisé et discriminé. Il conclut son texte en se demandant : « Peut-être à ses yeux, ma vie n’avait pas autant d’importance que les autres, ou, pire, peut-être pensait-il que j’étais le tireur ».
« Je suis convaincu que c’était de la discrimination, même si je ne peux pas dire si c’était du racisme ou une autre forme de discrimination », a déclaré l’étudiant à La Rotonde. « Le café était sous lockdown et ne laissait personne rentrer ; mais pour une raison quelconque, ils ont fait une exception et ont choisi de ne pas m’inclure », explique Abebe.
L’homme derrière les accusations de racisme
La Rotonde a rencontré le lendemain l’homme qui aurait repoussé Abenezer Abebe du Second Cup.
Visiblement bouleversé, Chad Richardson, le gérant qui surveillait le café mercredi, raconte que « vers 11 h, nous avons suivi les directives de l’Université de tout boucler. Nous avons fermé les portes et seuls mes employés et les clients à l’intérieur du café étaient autorisés à rester. Nous ne laissions personne rentrer à cause des procédures de lockdown ».
« D’autres personnes ont essayé d’entrer avant lui, nous sommes un endroit assez fréquenté. Je dirais que nous avons refusé l’entrée de cinquante à une centaine de personnes, sans considération de leur race ou leur genre, c’était tout simplement pour la sécurité de mon personnel et des clients à l’intérieur. Nous suivions les procédures », relate-t-il.
Le gérant se remémore les évènements décrits dans le texte de l’étudiant : « Je me rappelle de la scène, et je pense que le problème principal est que j’aie autorisé une personne à entrer dans le café. La personne en question était un de mes partenaires d’affaires, je le connais depuis huit ans. Je l’ai reconnu et il est la seule personne que j’ai laissée entrer de la journée. Il vient tous les jours, deux fois dans la journée ».
Gêné, il ajoute : « Je veux dire… enfin, j’essayais juste de suivre ce que l’Université nous avait dit ».
À propos des commentaires incitant au boycott de l’établissement sur les réseaux sociaux, l’homme déclare gravement : « J’espère de tout mon cœur que l’on ne boycottera pas le café. Hier était un jour très difficile pour tout le monde, pour ce pays, et même pour le monde. C’est le moment de s’unir, tous, quel que soit notre couleur ou notre background, et non pas de se diviser ».
Il souligne : « Mes règles ont toujours été : nous servons tous et n’importe qui et apprécions tout le monde, que ce soit le personnel ou les clients. C’est qui je suis. Je n’ai pas une once de haine dans mon cœur, je n’en ai pas. J’aurais vraiment souhaité pouvoir laisser mes portes ouvertes, mais je pense que pour la sécurité de mes employés et de tous les individus présents, c’était ce qu’il fallait faire ».
Le gérant affirme avoir envoyé un message privé d’excuses au jeune homme, mais à ce jour, l’étudiant qui a reçu énormément de messages de soutien, dit ne pas avoir reçu de tel message.
Une histoire « virale »
Depuis mercredi soir, l’histoire d’Abebe a été partagée et aimée par plus de 8200 personnes sur Facebook, repostée plus 1500 fois sur Tumblr, et retweetée 500 fois sur Twitter.
Abebe avoue ne pas s’être attendu à ce que son histoire prenne une telle ampleur : « Je suis honoré de voir les gens faire leur mon histoire et la raconter. Cela me prouve que […] la majorité d’entre nous nous battons pour un Canada sans aucune forme de discrimination ».
À la lueur des nouveaux évènements, il serait maintenant inopportun d’affirmer que les évènements de mercredi dernier relèvent d’un fait de racisme indiscutable. Si tout ça n’est qu’un malentendu, toutefois, il aurait quand même rendu plus d’une personne mal à l’aise. Comme le dit M. Richardson : « Nous ne pouvons qu’aller de l’avant ».