Accès à l'information : l’Université d’Ottawa a le pire dossier en matière d’accès en Ontario
– Par Philippe Pépin –
En primeur, La Rotonde rend public cette semaine le rapport d’un groupe d’étudiants (GE) de l’Université d’Ottawa (U d’O) sur les pratiques en matière de traitement des demandes d’accès à l’information par l’ Université entre 2006 et 2011. Le GE, composé de Nathan Boivin, Alexandre Nanoff et Nigel Wodrich, dans son document intitulé « The University of Ottawa and Freedom of Information Requests: a Comparative Analysis », déplore les lacunes systémiques dans le traitement des requêtes d’accès à l’information à l’U d’O. Selom Alexandre Nanoff,le rapport est en cours de traduction et sera bientôt disponible en ligne.
C’est après avoir attendu dix mois suite au dépôt de leurs demandes d’accès à l’information à l’U d’O, que le GE a remarqué qu’un bon nombre des requêtes demeuraient non résolues. La plupart de celles-ci ont nécessité une extension du délai de réponse allant jusqu’à trois mois. Le groupe soutient aussi qu’un nombre élevé des documents demandés n’ont été que partiellement ou complètement pas divulgués. Le GE constate que le processus s’est révélé lent et que le Bureau d’accès à l’information et à la vie privée a semblé en manque de personnel pour adéquatement faire face à la quantité de demandes.
L’insatisfaction du GE dans le traitement réservé à leurs demandes d’accès à l’information par l’U d’O les a poussé à étudier les pratiques passées de l’U d’O en la matière. Les étudiants ont procédé à une comparaison des données de l’U d’O avec celles des autres universités ontariennes, puis avec la moyenne universitaire ontarienne. Les données utilisées dans le rapport du GE proviennent essentiellement du rapport annuel 2011 du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario.
Ressources et personnel insuffisant?
Le rapport démontre que l’U d’O, malgré une quantité de demandes beaucoup plus élevée que dans n’importe quelle autre université ontarienne, n’investit pas plus que les autres dans la dotation de personnel et ressources pour traiter ces demandes. Le Bureau d’accès à l’information et à la vie privée est composé de deux personnes. En comparaison, pour des quantités de demandes nettement inférieures (voir le graphique), en 2012, l’Université de Toronto employait deux personnes, l’Université York en employait deux, l’Université Ryerson en employait quatre et l’Université de Western Ontario en employait deux. Le GE rapporte enfin que l’une des deux personnes ayant pris son congé de maternité en novembre, l’U d’O pourrait être encore plus à la traine dans sa gestion des demandes pour la nouvelle année.
Des demandes particulièrement élevées à l’U d’O
Le rapport souligne qu’en 2011, l’U d’O a vu son nombre de demandes se multiplier par un peu moins que deux depuis 2007, passant d’une quarantaine au nombre record de 78 demandes. Ce chiffre est important, selon le GE, même en prenant en compte l’afflux d’étudiants, l’U d’O doit faire face aujourd’hui à deux requêtes pour chaque tranche de 1 000 étudiants, soit une quantité environ deux fois plus importante que pour l’Université Ryerson, la deuxième université ontarienne où le taux de requêtes d’accès à l’information est le plus grand en Ontario.
Le pire dossier provincial pour le respect des échéances de réponse
Une méthode efficace d’évaluer les capacités d’une université à répondre aux demandes d’accès à l’information est d’observer le respect des échéances préétablies par règlement, indique le GE. Actuellement, le Bureau d’accès à l’information et à la vie privée dispose de 30 jours pour divulguer les documents demandés. Il lui est cependant loisible de faire usage de son pouvoir discrétionnaire afin d’allonger cette échéance de 60 jours. Le rapport démontre une chute dramatique du taux de respect de l’échéance de 30 jours, passant de 100 % en 2007 à 65,1 % en 2011, l’U d’O traine maintenant loin derrière les autres universités. L’Université de Western Ontario détient le deuxième pire score avec 75 % de taux de respect.
La situation serait encore plus alarmante pour le respect du délai de 90 jours. Si l’U d’O détenait un dossier presque parfait jusqu’en 2009, le nombre de demandes pour lesquelles les délais n’ont pas été respectés a atteint 10 % en 2010, pour stagner à ce taux en 2011. En comparaison, depuis 2007 l’Université de Toronto, l’Université York et l’Université de Western Ontario ont gardé un dossier parfait, l’Université Ryerson possédant le deuxième pire dossier avec environ 5,5 % de non respect des délais de 90 jours.
Le rapport décèle aussi que l’U d’O détient un dossier bien moins reluisant que celui de l’Université Carleton tant en ce qui a trait au respect du délai de 30 jours, qu’en ce qui a trait au délai de 90 jours. En 2010, si l’U d’O avait un taux de respect du délai de 30 jours de 20 % inférieur à celui de l’Université Carleton, son taux de non-respect des délais de 90 jours était deux fois supérieur à celui de l’Université Carleton.
En 2011, l’U d’O avait un taux de respect des délais de 30 jours inférieur de 20 % à celui de la moyenne provinciale. Dans le cas du non-respect des délais de 90 jours, l’U d’O avait encore une fois un dossier deux fois pire à la moyenne provinciale.
Plus d’appels de décisions, pour plus de documents divulgués
Le rapport indique que le nombre d’appels après divulgation de l’information est également un bon indicateur de la capacité de l’Université à répondre aux demandes. Encore ici, le dossier de l’U d’O est beaucoup moins reluisant que celui des autres universités ontariennes. Le GE rapporte les propos du commissaire de l’accès à l’information et à la vie privée qui affirme qu’il y a eu plus de décisions appelées contre l’U d’O en 2011 que contre n’importe quelle autre agence provinciale.
Depuis 2006, l’Université d’Ottawa est visée par la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée de l’Ontario. Cette loi a pour premier objet de procurer un droit d’accès à l’information régie par une institution conformément à deux principes: l’information doit être accessible au public et les exceptions au droit d’accès doivent être limitées et précis. En un deuxième temps, elle a pour but de protéger la vie privée des particuliers que concernent les renseignements personnels détenus par une institution. Le commissaire à l’information et à la protection de la vie privée doit balancer ces deux objectifs. « Les universités ouvertes sont essentielles à la gouvernance universitaire effective car la transparence permet aux étudiants et aux professeurs de scruter les activités des officiels de l’université, ceci assurant que tous agissent dans l’intérêt du public », ajoute le GE.
Le GE, toujours en processus d’accès à l’information dans plusieurs dossiers déposés en mars 2012, entend continuer les procédures.