Par: Gabrielle Lemire, journaliste
Si vos émissions sur Netflix ne vous amusent plus autant que vous le souhaitiez, faites un tour au Musée canadien de la Guerre. Vous ne serez pas déçu. L’exposition Armure qui occupe jusqu’au 3 septembre la galerie Lieutenant-colonel John McRae pourra satisfaire les adeptes du combat. Quant aux fervents d’histoire, une série de conférences sur la Première Guerre Mondiale saura piquer votre curiosité.
L’équipe d’historiens du Musée a reçu ce généreux prêt de la part du Musée Stibbert de Florence. Héritant d’une fortune familiale, Frederick Stibbert s’est dévouée à la collection d’armures et d’armes d’époque, permettant ainsi de reconstituer l’histoire de l’armure, ici au Canada.
L’armure, plus qu’un simple moyen de protection
Divisée en quatre sections, l’exposition expose les différents objectifs de l’armure. La première section initie le public au combat, l’utilité qui nous vient en tête en premier lorsque l’on songe à une armure. L’historienne de guerre et société Mélanie Morin-Pelletier se penche sur les liens entre l’évolution de l’armure et celle de la société à la même époque. « Parfois, quand on pense à un chevalier on a une image romantique, mais en réalité, c’était une époque violente. Non seulement ils portaient ces armures, mais le combat était beaucoup plus corps à corps. On voyait son ennemi, alors qu’aujourd’hui les guerres, on ne sait même plus sur qui on tire », constate l’historienne.
Si les armes sont la première raison d’être de l’armure, il faut savoir qu’au cours de l’histoire, cette dernière a servi d’autres desseins. La deuxième section de l’exposition porte sur l’armure dans le monde du sport. Que ce soit à une joute durant la Renaissance où même les chevaux étaient couverts d’armure des sabots jusqu’à la bride, ou sur un terrain de football, l’humain est encore fervent des sports d’impact et de contact où le port d’une armure évite bien des commotions cérébrales. L’équipement de la gardienne de hockey moderne est d’ailleurs plus lourd que les armures de combat des temps médiévaux.
Symbole de statut
Ensuite, Morin-Pelletier nous guide vers la troisième section qui présente le statut associé au port de certains symboles sur les armures. L’uniforme impressionnant d’un samouraï japonais garde la salle d’exposition. Le prestige associé au gorget, qui protégeait le cou des chevaliers. On peut trouver un écho au gorget sur les uniformes des généraux canadiens encore aujourd’hui. « Plusieurs des Chefs des Premières nations en ont reçu en cadeau des Britanniques. Ils les portaient en tant que symbole de chef, mais surtout pour signifier leur alliance avec l’armée britannique pendant la guerre de 1812 », explique Morin-Pelletier. La collection comprend également des armures de la famille des Medicis.
L’historienne de Guerre et société Mélanie Morin-Pelletier affirme que d’étudier l’armure permet de dresser un portrait de la société du temps.
La culture chevaleresque
L’image du chevalier est dans l’imaginaire collectif depuis l’Europe médiévale et ne cède pas sa place, même en 2018. La publicité ne fait pas exception à la règle, et mise sur des valeurs du temps de l’idéal du preux chevalier pour vendre des produits. La bière comme les assurances, le chevalier se faufile dans tous les secteurs d’activité.
« Ça fait vraiment partie de la culture populaire, ce regain pour la culture médiévale et de la Renaissance. » constate Morin-Pelletier. « Le chevalier était la façon de se représenter à l’époque, un idéal masculin. La virilité, la loyauté, courage, c’était quelque chose à laquelle les hommes aspiraient. Aujourd’hui, le même idéal évolue pour être à l’image de la société moderne », ajoute-t-elle.
Les 100 derniers jours de la Première Guerre Mondiale
C’est cette année que sera célébré le 100e anniversaire de l’armistice en 1918. Selon Tim Cook, historien de la Première guerre mondiale, ces anniversaires tendent à faire se concentrer l’esprit collectif et les médias sur l’histoire canadienne.
L’exposition Victoire 1918 – Les 100 derniers jours portant sur la campagne des 100 derniers jours de la guerre sera à l’affiche pour informer le public sur les nombreuses batailles auxquelles les bataillons canadiens ont participé dans les trois derniers mois du conflit. L’imaginaire canadien ignore beaucoup de détails sur les 100 derniers jours de la Guerre, selon l’historien.
Une exposition colorée
Pour Tim Cook, l’aspect le plus impressionnant que nous réservent les conservateurs du Musée est la coloration de clichés pris durant la Guerre. « À la Première Guerre Mondiale, 100 ans passés, ce sont toutes des photos en noir et blanc. Lorsqu’on les colorie, elles deviennent très différentes, elles nous ressemblent à nous. Je crois qu’il y aura une connection pour que les gens d’aujourd’hui réfléchissent à ces Canadiens qui sont tous décédé », explique-t-il.
Bien que l’exposition se penche sur les batailles, elle sera nuancée par le coût de toute cette violence pour la société canadienne. Ce ne sont pas moins de 45 000 soldats qui ont péri durant ces 100 derniers jours. « Il y aura un élément puissant sur la manière dont les soldats ont été blessés, on fait face à la situation et ont continué à avancer. »
Une vision globale de la guerre
« C’est notre travail d’éduquer et de partager l’histoire militaire du Canada, mais nous voyons cela de manière très large. Ce n’est pas uniquement à propos des soldats ni des armes et des tactiques, mais plutôt sur l’impact de la guerre sur la société canadienne », explique Cook. Le travail des femmes lors de la Première Guerre Mondiale fera également partie de cette exposition.
À l’occasion de l’anniversaire de la fin de la PGM, une série de conférences intitulée Le monde en guerre ‒ Série de conférenciers internationaux organisée par Jack Granatstein et Tim Cook débutera le 8 août, à 19 h 30, à la galerie LeBreton. La première conférence portera sur l’impact du conflit à l’intérieur du Canada en soi. se penchera donc sur « les tensions entre les Canadiens-français et les Canadiens-anglais, entre les populations rurales et urbaines, entre parents endeuillés » alors que Cook dressera un portrait des batailles importantes.
L’héritage de la Première Guerre Mondiale
Le 9 novembre prochain, l’historien Tim Cook offrira une deuxième conférence sur le legs de la PGM et l’impact de celle-ci qui continue d’influencer le Canada aujourd’hui. « Mais pourquoi nous en soucions nous encore? Pourquoi est-ce que, 100 ans plus tard, nous continuons d’en parler? » s’interroge l’historien. Les monuments ne sont pas les seuls vestiges de la guerre 1914-1918, loin de là, c’est ce que l’historien exposera le 8 novembre prochain.