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Opinions

À bas la tolérance

ÉDITORIAL

Anaïs Elboujdaïni | Rédactrice en chef
@anais_azzaro

tolérance (n. f.)
ÉTYM. 1561; hapax 1361 ◊ latin tolerantia
Fait de tolérer, de ne pas interdire ou exiger, alors qu’on le pourrait; liberté qui résulte de cette abstention.

Depuis le début de la session, les évènements thématiques défilent, s’entrecroisent et se font écho. Mois de l’histoire des Noirs, Mois du patrimoine, Mois de la francophonie, Semaine de la fierté, Semaine de la femme, Semaine internationale contre l’apartheid israélien, Mois du recyclage, Semaine de la sensibilisation à l’islam, etc. Tous ces moments qu’investissent les étudiants pour transmettre un message sont des gages de rassemblement et de vitalité sur le campus.

Cependant, ces semaines ou ces mois, qui visent à sensibiliser la communauté universitaire à diverses réalités, semblent se fonder sur le principe de tolérance. En effet, même l’administration centrale de l’Université canadienne ne souligne que marginalement ces évènements. Si le Mois de l’histoire des Noirs est passé sous silence, la Semaine de la fierté est organisée par un seul service de la FEUO. Les activités de la Semaine contre l’apartheid israélien sont quant à elles toujours sujettes à la pression de l’administration (comme l’explique ma collègue dans son article p. 4) et doivent se montrer invisibles pour ne pas s’attirer les foudres.

Dans ce lieu de connaissance et d’idéaux, de débats et de réflexion qu’est l’Université, il manque cruellement d’interrelations entre les sujets, les semaines et les discussions. D’une part, confrontés à un climat de tolérance, comme on dit, les groupes qui cherchent à souligner leur singularité se retrouvent en périphérie des discussions. En effet, Israël est presque tabou et parler de la situation particulière qui la lie à la Palestine fait souvent frissonner les professeurs. Où est donc l’espace de débat promis? Que reste-t-il pour défaire la fausse conception de la tolérance comme attitude d’ouverture?

Eh bien, il y a la loi. La Loi 8, par exemple, qui engage une institution à respecter les droits fondamentaux d’une communauté francophone en Ontario à se faire servir dans sa langue lorsqu’elle se trouve en situation minoritaire. Pour les cas d’abus des droits humains, l’Université pourrait aussi se doter d’une politique claire en matière d’investissement.

Et ne pas perpétuer le statut quo. Car entre tolérance et marginalisation, il n’y a qu’un pas. Et dans une société réglementée par le diktat des codes civils et autres documents légaux, les symboles ne sauraient suffire. Car il est là, le cœur du problème. Si, d’une part, la société refuse de parler d’une problématique ou d’un enjeu, ne serait-ce que par confusion entre silence et respect, il demeure que la garantie de protéger une minorité est la loi.

Bien souvent, le terme tolérance est utilisé lorsqu’une situation jugée agaçante par la majorité obtient un sursis. C’est l’acceptation générale de la médiocrité de la pensée. C’est dire comme le pamphlet pour les nouveaux arrivants à Gatineau que les « odeurs fortes » émanant de leur nourriture devrait être plus subtiles. Car entre tolérance et ignorance, comme dans ignorer et tourner le dos à une situation, il n’y a aussi bien souvent qu’un pas.

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