Crédit visuel : Festival OFFTA
Par Clémence Roy-Darisse – Journaliste
Si le milieu artistique s’est vu totalement bouleversé en raison du coronavirus, il a su s’adapter avec plus ou moins de succès aux normes sanitaires, et à la distanciation sociale imposées en ces temps de crise. C’est notamment le cas du festival OFFTA, qui présente tous les ans depuis 2006 de multiples disciplines d’arts vivants : cirque, danse, théâtre, performance. Celui qui se déroule à Montréal en parallèle du Festival TransAmériques(FTA) cherche à mettre en valeur les créateurs émergents.
OFFTA – réinventer le vivant
Prenant place cette année du 22 mai au 32 mai, le festival se réinvente pour offrir une programmation complète en ligne. La date du 32 mai représente « cet entre-deux-là, de temps qui n’existe pas, en suspension, qu’on voulait rendre visible », explique Vincent de Repentigny, directeur artistique et général du festival. Cette date inventée prouve que le temps, fils conducteur du festivale, est une construction de l’humain et laisse entrevoir la possibilité de changer collectivement nos variables et nos possibles, explique-t-il.
Le festival offre une programmation en ligne gratuite, mais suggère aux festivaliers de payer un abonnement solidaire ou solidaire + (25 et 50$) afin d’appuyer le milieu déjà précarisé. Le directeur artistique souligne toutefois que son équipe et lui ne souhaitaient pas que l’argent soit une barrière à l’accessibilité, réitérant que le festival existe pour « rassembler les gens ».
La transition de la scène à l’écran
L’équipe d’OFFTA a appris trois semaines avant de lancer sa programmation que les 22 spectacles n’auraient pas lieu en salle. Forcé de repenser cette 14e édition, De Repentigny élabore que « le premier réflexe a été de se dire “ soyons solidaires avec les artistes ”».
Émilie Martz-Kuhn, dramaturge au sein de LA SERRE – arts vivants, organisme qui produit le OFFTA, ajoute que « le mandat même du OFFTA ainsi que ses assises locales lui ont permis d’opérer un changement de cap très rapide et d’assurer, dans le même mouvement, sa fonction d’incubateur. »
Elle ajoute que le « OFFTA occupe une place toute particulière dans le paysage artistique montréalais : c’est un territoire d’expérimentation et de recherche » favorisant une diffusion en ligne plus expérimentale.
Des formats multiples
Les formats de réinvention ont donc été discutés avec les artistes qui ont eux-mêmes décidé de la transposition de leurs oeuvres. Martz-Kuhn souligne qu’il s’agit toutefois davantage d’une «« tentative d’essai », développé dans l’urgence, à partir d’un désir original empêché » que d’une transposition.
Du téléphone à la partition chorégraphique, de l’installation sonore à zoom, au site web, à la captation audio, à la marche poétique guidée ou à la performance téléphonique, les formats sont multiples. « Les spectateurs et spectatrices [sont par exemple] invité.e.s à se mettre en marche, guidé.e.s par des indices découverts au fur et à mesure de leurs pérégrinations », élabore Martz-Kuhn.
Bien que l’abonnement soit accessible en ligne, l’interaction avec le public reste centrale dans les oeuvres proposées. Plus que de simples performances à regarder en retrait, le festival propose aussi des « rendez-vous » entre les artistes et le public afin de « retrouver certains rituels qu’on trouve aussi dans les espaces pis qui nous font du bien qui nous [rassemble] », exprime De Repentigny.
« On a envie que ce lien-là, vivant, existe d’une autre façon » ; lien que le directeur estime particulièrement nécessaire dans une période où « ça nous manque énormément. »
L’impact de la pandémie
Regroupant majoritairement de jeunes artistes émergents, le festival aborde la thématique de la reconstruction et de l’après ; mais il traite d’abord et avant tout de la pandémie.
« La question de la présence, la question de l’autre est très présente dans le format du festival », précise De Repentigny.
L’adaptation du festival sur les plateformes virtuelles ne s’est pas réalisée sans défi. La situation financière, bien que stable pour l’événement, n’est pas idéale. Vincent de Repentigny et Émilie Martz-Kuhn appuient que les artistes sont particulièrement fragilisés par cette crise.
Le directeur artistique mentionne que si au début ils se sentaient bien épaulés, ces jours-ci une colère importante se fait sentir dans la communauté artistique, particulièrement dans celle des arts vivants qui n’a toujours pas reçu de plan d’action du ministère de la culture.
« Le déconfinement se fait à géométrie variable », mentionne-il en donnant l’exemple des avions qui recommencent à voler tandis qu’aucune date précise n’a été émise pour le retour des théâtres. Il conclut cependant en exprimant que l’enthousiasme présenté dans les points de presse de la ministre de la culture « est en décalage complet avec ce qui est ressenti dans le milieu présentement ».
Il reste maintenant à voir comment s’organisera la ré-ouverture du secteur artistique.