
Trois questions pour comprendre : le journalisme à risque à l’étranger
Par Miléna Frachebois, journaliste
Professeur Marc-François Bernier
La Rotonde : Pour quelles raisons les journalistes sont visés ? Et dans quels pays sont-ils le plus à risque ?
Marc-François Bernier : Il peut y avoir plusieurs raisons. Dans certains cas, les journalistes sont perçus comme des adversaires ou des ennemis parce qu’ils sont engagés du côté des bélligérants. Dans d’autres cas, c’est parce qu’ils sont nuisibles aux groupes qui s’affrontent, ne serait-ce qu’en diffusant des informations vraies : cela nuit à l’image ou aux stratégies de certains pays gérants. Ces choses-là arrivent dans des pays où il y a des conflits, conflits ethniques ou des guerres, guerres civiles. C’est surtout dans ces pays-là que ça arrive, donc par exemple où il y a des régimes totalitaires. Parfois aussi les journalistes publient des choses qui sont considérées être contre la morale ou contre la religion. Ils peuvent être attaqués par des terroristes, mais ça peut aussi être des milices, les autorités, des policiers, l’armée, la mafia.
LR : Quelles mesures sont prises pour éviter et régler cela ?
MFB : Malheureusement dans plusieurs pays, il n’y a pas beaucoup de mesures. Prenons comme exemple la Russie où il y a des journalistes qui ont été tués il y a plusieurs années. Les gens n’ont jamais été retrouvés. Les autorités ne font pas souvent beaucoup d’affaires pour retrouver ceux qui ont assassiné ou violenté des journalistes. Donc la plupart du temps les mesures, dans des pays où il n’y a pas beaucoup de démocratie, sont peu efficaces voire inexistantes.Quand le journaliste se trouve en terre étrangère, il est soumis aux lois du pays où il se retrouve et aussi aux non-lois dans certains cas dont la violence qui existe là-bas. Donc la première chose à faire pour un média avant d’envoyer un journaliste, c’est d’évaluer le risque.
LR : La liberté de la presse n’est elle pas menacée au vu des actualités ?
MFB : Menacée, la liberté de presse ? C’est toujours quelque chose qui est à reconquérir et à défendre continuellement. Puis la liberté de presse bien sûr s’exerce à l’intérieur des lois de chaque pays, et il y a des pays qui sont plus ou moins libéraux, plus ou moins liberticides. Mais c’est sûr que la liberté de presse est menacée, pas juste par la violence, mais aussi par des intérêts économiques. C’est pas juste en zone de guerre qu’elle est menacée, elle l’est partout et en tout temps. Elle a des limites aussi liées à la diffamation, au droit du public, à la vie privée. C’est quelque chose qui n’est pas absolu. Mais il y a des pays effectivement où elle est en recul. La liberté de presse est un enjeu qui n’est jamais gagné.