Avec Tim Aubry, Ph.D.
Professeur titulaire à l’École de psychologie
Faculté des sciences sociales
Par : Reda Bourgeois-Maaroufi
Trois questions pour comprendre l’itinérance
1) Qu’entendez-vous par itinérance et depuis quand est-ce qu’elle est devenue un sujet grandement discuté ?
L’itinérance, c’est la pauvreté extrême. Plusieurs personnes pensent que ces gens choisissent d’être des sans-abris, ce qui est cependant faux. Ce sont des hommes, des femmes et des enfants qui font face à de l’insécurité locative, un revenu inadéquat, des problèmes de santé, des dépendances, ce qui, par conséquent, nuit à leur pleine participation dans la société. Il existe tout un raisonnement psychologique, social et économique derrière ce concept. On a pu observer une forte croissance de ce problème durant les années 1990, notamment à la suite des changements à la conjoncture économique et au marché immobilier, à la fermeture des hôpitaux psychiatriques et des coupures d’aides sociales et financières sous le gouvernement de Michael Harris en 1996.
2) Quelles sont les caractéristiques sociales de l’itinérance au Canada ?
La classe la plus peuplée d’itinérants est âgée entre 25 et 55 ans, majoritairement constitués d’hommes seuls (74 %), qui font face à l’isolement, à la dépendance et aux maladies mentales. De même, on retrouve aussi des jeunes, soit 20 % de la population itinérante, qui à l’âge adulte vont devoir sortir du système d’aide aux familles de protection des enfants et se retrouver sans domicile familial. Ces derniers seront plus susceptibles de tomber dans la dépendance de la drogue ou de l’alcool, le crime et l’exploitation. Il y a plus de 200 000 Canadiens qui ont recours aux services d’urgence par année, soit 7 000 personnes à Ottawa qui circulent tous les jours dans les refuges et les logements d’aide.
3) Quelles sont les différentes façons de prévenir l’itinérance? Existe-t-il au Canada un budget ou des politiques bien définies ?
Au Canada, l’approche « logement d’abord » a été introduite dans le but de sortir la grande majorité des itinérants de la rue en leur offrant un logement. La solution est simple : il faut utiliser le logement comme une plateforme pour travailler avec eux, c’est-à-dire les aider à trouver leurs propres services et une fiabilité dans la communauté pour qu’ils puissent se réintégrer dans la société. De nombreux pays ont suivi cette approche, notamment les États-Unis et plusieurs pays en Europe, dont l’Espagne qui vient tout récemment de bâtir plus de 50 000 logements pour les itinérants. Enfin, au Canada, on observe une nette progression, où le gouvernement libéral de Justin Trudeau a renouvelé une initiative fédérale sur cinq ans, en doublant le montant des aides, soit 1.2 milliard de dollars en stratégie des partenariats pour la lutte contre l’itinérance.