– Par Anaïs Elboujdaïni –
« Une affiche engagée prend tout son sens quand elle est dans la rue » – Valérie Yobé, professeure à l’UQO
Reprenant annuellement des thèmes liés à la défense des droits humains depuis maintenant cinq ans, le concours international d’affiches, organisé par Poster for Tomorrow, a abordé le droit au logement. Parmi les 100 affiches gagnantes, une professeure de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) ainsi que trois étudiants gatinois se sont taillés une place de choix dans la sélection finale, dont un parmi les dix meilleures affiches.
Pour Valérie Yobé, chargée du projet et professeure àl’UQO, il s’agissait pour sa part d’illustrer par son affiche quelque chose de commun à tous. « Je cherchais le plus petit dénominateur commun quand on parle de logement. Cette idée d’accessibilité m’interpelle, puisqu’il est possible, même en travaillant, de ne pas avoir accès à [un endroit qui représente] ton identité et une protection du monde extérieur », remarque-t-elle. « Mon idée, qui passait par un style épuré (que je privilégie dans ma pratique), le noir et blanc, illustre le côté sombre de l’accès au logement ».
De son côté, Mathieu Rousseau, un des étudiants dont l’affiche a été retenue, souligne qu’avant d’avoir assisté à un panel sur les problèmes de logement en Outaouais, il ignorait l’existence de cette réalité dans la région. « En apprendre plus sur [cette problématique] m’a permis d’élaborer plusieurs concepts. Mon affiche vient justement dénoncer le fait que pour plusieurs personnes, ces problèmes ne sont pas importants car ils ne les affectent pas », explique-t-il. « Se poser la question « où vais-je dormir ce soir? » sans avoir d’options claires est quelque chose de pratiquement impensable pour eux, mais pour plusieurs, c’est une réalité ».
Quand l’art descend dans la rue
L’enjeu du droit au logement est loin d’être anodin par les temps qui courent, même en Outaouais. En effet, sans parler de la situation des gens dans un logement insalubre ou inadéquat, plus de 7300 personnes ont eu recours aux refuges à Ottawa en 2012.
Aux yeux de Mme Yobé, il était donc impensable de ne pas faire participer ses étudiants à une action régionale. « Une affiche engagée prend tout son sens quand elle est dans la rue », s’empresse-t-elle de mentionner. C’est pourquoi il lui a semblé naturel d’appeler ses étudiants à exposer des affiches engagées sur une maison condamnée pour cause d’insalubrité dans le Vieux-Hull. « Ce projet était important pour moi parce que nous avons un devoir d’éthique en tant que graphiste. Je veux montrer à mes étudiants que le graphisme, ce n’est pas que commercial », confie Mme Yobé. Elle rappelle également qu’historiquement, les graphistes étaient des gens très impliqués dans la société, comme Toulouse-Lautrec ou les surréalistes, et que les affiches que ceux-ci produisaient étaient leur manière de transformer la société.
Abondant dans le même sens, Mathieu Rousseau croit que l’art engagé peut donner une visibilité plus grande à des problèmes souvent dissimulés et permet de prendre position sur des sujets d’importance. « Je crois que l’art engagé a le pouvoir d’interpeller la population. […] Comme on dit, une image vaut mille mots et avec la bonne image, ces mots – ou plutôt, ces idées – pourront marquer les gens et animer des discussions qui sont nécessaires dans une société. », explique-t-elle.
L’exposition « Poster for Tomorrow : Un logement pour tous » rassemble des affiches d’un peu partout sur la planète, d’endroits comme la Biélorussie, le Maroc, Taïwan, la Pologne, l’Iran, l’Argentine, la Belgique et la Turquie.
Elle se poursuit jusqu’au 15 décembre 2013 à la Galerie Montcalm, au 25 rue Laurier à Gatineau.
Pour aller plus loin : Le court documentaire « AfficheZ : l’affiche de A à Z »